IMAJ | carnets de recherches en Analyse Juridique de l’IMage

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Ce billet correspond à la version abrégée de la communication faite lors du colloque Droit(s) et jardin, de l humain à l universel, organisé par l Université Paris 13, qui s est tenu à la BNF le 15 novembre 2019 et dont la version complète sera prochainement publiée. Le jardin est à la mode. Mais l’art n’a pas attendu pour penser le végétal. Le jardin est ainsi fréquemment représenté non seulement pour sa dimension esthétique mais aussi pour sa puissance métaphorique. Au cinéma, le jardin, est rarement un décor. Qu’il soit reflet des relations sociales (relations de voisinage ou des classes), cristallisation des usages patrimoniaux, univers d’un jardinier souvent philosophe ou encore jardin planète qui interroge le droit de l’environnement, il est une représentation du monde.C’est précisément l’option de Vittorio de Sica quand il entreprend en 1970, d’adapter le roman autobiographique de Giorgio Bassani (1962) : « le jardin des Finzi-Contini »Ce roman, écrit en hommage à Micol, jeune fille d’une famille aristocratique juive de Ferrare qui périra en déportation, évoque les années de l’ascension du fascisme en Italie, entre 1930 et 1943, avec la nostalgie d’une enfance perdue. Car, en marge de l’agitation du monde, le jardin de la propriété des Finzi-Contini, dont les portes s’ouvrent à Giorgio sous la pression des lois raciales, est le lieu béni et cruel qui offre à ce dernier ses premiers émois amoureux et ses premières désillusions, aussi. Inventeur avec Zavattini d’un néoréalisme dans lequel la précision du constat social n’interdit ni l’onirisme ni le romantisme, De Sica s’empare de ce lieu mythique, de ce jardin initiatique, non pas pour rendre compte d’un état de conscience intérieure, mais bien plus pour interroger un état de conscience collective. A la différence de Giorgio, l’auteur et narrateur qui se remémore cette période avec sentimentalisme, Vittorio De Sica était déjà adulte au moment où se déroulaient les faits relatés. L’avant guerre, l’Italie fasciste, ne présentent sans doute pas pour lui la même poésie et ne sauraient susciter la même nostalgie. Il entend au contraire, grâce à sa caméra et avec une grande rigueur documentaire, élargir le cadre de l’histoire intime de Giorgio pour explorer, bien plus que ne le fait le roman mais sans le trahir toutefois, une page sombre de l’Histoire italienne, à savoir la lente et inexorable montée du fascisme jusqu’à la participation de l’Italie mussolinienne à la déportation des juifs. Et c’est un jardin qu’il choisit pour évoquer les camps. Comme la fenêtre dans les tableaux des peintres flamands du XVe siècle, le jardin fournit au réalisme du réalisateur, non seulement une source d’inspiration esthétique mais surtout une puissante métaphore. Tout à la fois réel et symbolique, cet espace met l’invisible à portée du regard. Vittorio de Sica produit ainsi l’un des films les plus pudiques sur la persécution des juifs au cours de la seconde guerre mondiale. L’un des plus inattendus aussi. Car contrairement aux attentes convenues, le jardin ne soutiendra pas une opposition classique entre l’Eden et l’Enfer, il ne symbolisera pas un espace préservé de la cruauté du monde. Plus subtilement, en réglant sa focale sur les lois raciales et leurs effets – lois  qui n’apparaissaient qu’en toile de fond dans le roman mais qui, pour le réalisateur sont déterminantes-, Vittorio de Sica s’attache, à partir d’un lieu clos et des interactions qu’il produit entre norme juridique et pratique sociale, à comprendre, voire expliquer, le drame qui couve. Du fait même de l’existence des lois raciales, le vert paradis des amours enfantines de l’univers bassanien, se transforme, sous l’œil du réalisateur, en ghetto. Un ghetto dont il décline toutes les composantes: spatiale, sociologique, symbolique, politique. Continuer la lecture de Le jardin- ghetto de Vittorio de sica DITE OU LE JUGE AMOUREUX DE LA JUSTICEL’Hermine de Christian Vincent, film pourtant récent, s’inscrit dans un mouvement que l’on croyait révolu et qu’André Cayatte avait initié dans les années cinquante, celui du film de prétoire à caractère pédagogique. Pour écrire son scénario, le réalisateur a soigneusement enquêté auprès des tribunaux et s’est même inspiré d’un modèle existant, le juge Olivier Leuvens, qui a été président de cour d’assises. Il s’est par ailleurs entouré de conseillers issus du monde judiciaire, afin d’être au plus près de la vérité. Pour évoquer toute la complexité de l’acte de juger, Christian Vincent dresse le portrait d’un président de cour d’assises, le juge Racine, incarné par Fabrice Lucchini, juge inflexible mais homme sensible. L’humanité du juge relève presque du cliché, puisque Christian Vincent choisi de l’illustrer par le sentiment amoureux qu’il éprouve pour Dite, une femme médecin que le sort a désignée comme jurée. En parallèle du procès dont on suit toutes les étapes, une histoire d’amour se tisse et se raconte, dans un quotidien des plus banals. Contrairement à Cayatte, ou encore Clouzot, qui souvent laissaient subtilement parler les images, le discours pédagogique est ici presque entièrement circonscrit aux dialogues. Réaliste et didactique, ce film semble s’adresser plus à la raison qu’à l’imagination. Pourtant, à la toute fin du film, le réalisateur cède à la tentation allégorique. L’interprétation en ce sens des dernières images repose à la fois sur une verbalisation très explicite, qui nous l’avons dit est le mode d’expression privilégié du réalisateur, et sur l’ensemble des indices posés préalablement au cours du film. Continuer la lecture de Dame Justice au cinéma. (3e partie) Si l’allégorie a pu aisément prendre place dans l’univers fantastique d’Ettore Scola (voir la première partie de cette étude consacrée aux allégories de justice au cinéma ), on la retrouve aussi dans l’espace onirique que dessine Abderrahmane Sissako dans son film Bamako (2007). Mais à la puissance de l’imaginaire qui permet tous les excès, Abderrahmane Sissako préfère la suggestion discrète, qui libère l’interprétation des symboles tout en en conservant l’entier mystère.MELE : L’ALLEGORIE D’UNE JUSTICE AFRICAINE. Dans ce film, Abderrahmane Sissako met en scène le procès de la Banque mondiale. Il s’agit d’un procès qui n’a jamais eu lieu, un procès inventé de toute pièce. Et c’est précisément parce que l’univers onirique de Sissako est sans limite qu’il choisit d’en confier le jeu à des professionnels de la justice. C’est à ma connaissance le premier réalisateur qui décide de faire jouer des juges et avocats professionnels. Ainsi, dans cette cour où se tient ce très improbable procès, fiction et réalité s’entremêlent dans une alchimie dont ce réalisateur a le secret. Pour le réalisateur, le procès n’est qu’un artifice de mise en scène et ne constitue pas contrairement à ce que le public en retiendra, le cœur du film. Le film est en effet construit autour de trois fictions qui s’entremêlent et se répondent, et qui chacune entend présenter une facette du discours : le procès, le western, le drame conjugal. Ces trois histoires parallèles ont pour cadre la cour d’une habitation collective dans un village malien. Initialement le film aurait du s’appeler « La Cour ». Il y avait dans ce terme, moins vendeur certes que l’exotisme de la capitale malienne, un double sens, puisque non seulement Abderrahmane Sissako filmait un procès, mais le tribunal se tenait dans la cour de sa maison d’enfance. C’est dans cette cour qu’habitent Melé et son mari, que les difficultés de leur existence finissent par séparer. Lui est chômeur tandis que Melé gagne l’argent du ménage en chantant le soir dans une boîte de nuit. Avant même le générique, dans les deux premières minutes du film, alors qu’on ne sait pas encore de quoi il sera question, ni quel personnage elle incarne, Melé apparaît à l’écran.Invité sans doute à cette interprétation par l’image fugitive d’un tribunal à ciel ouvert, on ne peut s’empêcher de voir dans cette apparition « la déesse familière et énigmatique …» qui siège au coeur du temple de la justice, telle que l’évoque Robert Jacob dans ses travaux sur l’image de la justice : « Au cœur du temple figure l’image dernière, celle qui rassemble, syncrétise et transcende toutes les autres. L’image de la Justice par excellence. La déesse familière et énigmatique … ». Le port altier, le regard profond, déesse aux pieds nus dans un temple de terre battue, elle ordonne avec aisance et se fait servir, indifférente, à cette assistance composite qui semble attendre. Sans glaive ni balance, c’est par sa présence énigmatique que l’on reconnaît ici en Melé une évocation de la justice. Continuer la lecture de Dame Justice au cinéma (2e partie) Court (en instance) est, si l on veut l’affilier à un genre, un film de procès, en l’espèce celui de Narayan Kamble, chanteur des rues, activiste politique, poète et instituteur à ses heures perdues. Poursuivi pour incitation au suicide lors d’un premier procès puis pour terrorisme dans un second, il se trouve au cœur de deux procédures pénales dont Chaitanya Tamhane filme uniquement la phase de jugement, proposant par ailleurs de suivre, dans leur vie quotidienne, la procureure, l’avocat de la défense et le juge. La manière de filmer les audiences ou l’intimité des protagonistes offre au spectateur une représentation inédite de la justice que nous nous proposons d’analyser. Continuer la lecture de Court (En instance) de Chaitanya Tamhane : Filmer le procès pour penser l Etat de droit II) Le jeu de la fictionComme le procès de Bamako, le Tribunal Monsanto compte au nombre des représentations de la justice qui interrogent à ce titre la réalité judiciaire. En instruisant à La Haye le « vrai-faux procès » de la firme Monsanto, le Tribunal du même nom questionne le rapport de la fiction à la vérité et éclaire la question de sa performativité. Continuer la lecture de Procès fictif ou justice fiction ? Les images qui figurent dans ce billet sont publiées avec l aimable autorisation du réalisateur Abderrahmane Sissako et de son producteur Denis Freyd (Archipel 33). Nous les remercions chaleureusementIl y a près d’une dizaine d’années, Abderrahmane Sissako mettait en scène dans son film Bamako[1], le procès de la Banque mondiale et plus généralement des institutions financières internationales[2]. Son intention n’est pas alors de réaliser un film judiciaire mais d’offrir un espace de parole aux africains, de les filmer dans leur environnement quotidien. Le procès n’est qu’un artifice de mise en scène qui offre à la fiction son dispositif frontal. Mais parce que l’univers onirique d’Abderrahmane Sissako est sans limite, il choisit d’en confier le jeu à des professionnels de la justice. Ainsi, dans cette cour où se tient ce très improbable procès, fiction et réalité s’entremêlent dans une alchimie dont ce réalisateur a le secret.10 ans après, une association organise à La Haye, le procès fictif de la firme Monsanto[3]. Dans un tribunal improvisé, de « vrais juges » écoutent la parole des témoins qu’aucune instance judiciaire, nationale ou internationale, ne prend en compte. Faute d’un arsenal normatif adapté, de nombreux préjudices causés par l’activité industrielle de la firme restent impunis. Et la société civile n’hésite pas alors à s’ériger en juge. Dépourvu du pouvoir de coercition qui corrèle le pouvoir de juridiction, elle compte sur le pouvoir de persuasion, sur une légitimité populaire d’un nouveau genre.Ainsi, la fiction née du rêve d’un artiste prend forme, dix ans après, dans l’organisation d’un procès fictif. Continuer la lecture de De Bamako au Tribunal Monsanto, réflexion sur la portée juridique d une fiction cinématographique Beaumarchais écrivait, dans le barbier de Séville, : « Je me presse d’être obligé de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ». Ce sentiment d’urgence face au comique est celui qui nous saisit depuis quelques temps lorsque nous regardons les comédies françaises[1] qui font reposer l’humour sur les différences sociales, religieuses, sexuelles, ethniques (ou supposées telles). Oui, nous rions de manière immédiate. Cependant, dans un grand nombre d’hypothèses, le rire cède la place au malaise. Si bien que Beaumarchais cède la place à Gainsbourg : « Mieux vaut pleurer de rien que de rire de tout ». Continuer la lecture de Peut-on rire de tout sur grand écran ? Ce billet rend compte d'une communication « L’amour, le droit et le cinéma : regards croisés », faite le 14 avril 2016 à l'Université Jean Moulin Lyon 3 dans le cadre du colloque : "Amour et CEDH" organisé par l'association Habeas Corpus. Les actes seront prochainement publiés.Interrogeons grâce au cinéma, le postulat largement répandu dans nos sociétés occidentales, au point de constituer désormais le fer de lance des réformes, selon lequel le mariage serait l’Institution de l’amour. Le sentiment en effet subordonne aujourd’hui largement le droit matrimonial. Mais amour et mariage font-ils bon ménage ? Pour illustrer le propos, observons une scène tirée d’un chef d’œuvre du cinéma français, Casque d’or, film de Jacques Becker, tourné en 1952. Sans argument doctrinal, sans parole explicite, elle semble par le seul pouvoir de l’image sublimer le mariage d’amour et ainsi confirmer une pensée tenue pour classique selon laquelle le mariage serait ontologiquement la consécration du sentiment amoureux.La séquence du mariage dans Casque d’or L’histoire se déroule à la Belle époque et évoque une rivalité amoureuse au sein d’une bande de voyous, les Apaches de Belleville. Manda, honnête Charpentier se laisse entraîner dans une rixe au cours de laquelle il tue le souteneur de Marie, fille de petite vertu dont il est aimé et amoureux. Celle-ci l’aide à trouver une planque à Joinville où elle le rejoint. Rien ne sépare plus alors les tourtereaux qui, encore éblouis du bonheur de leur première nuit, se promènent au village. Passant devant l’église, Marie entend de la musique et entre en entraînant Manda. C’est un mariage.Si minutieuse qu’elle soit, la description de la séquence sélectionnée n’épargne pas au lecteur un effort d’imagination et de représentation ; elle est toutefois nécessaire à l’analyse. En moins de deux minutes, Jacques Becker s’exprime en trois mouvements. Le premier commence par un gros plan sur Manda et Marie qui entrent dans l’église. Marie relève, tel un voile, son châle sur ses cheveux ; dans un geste embarrassé, qui montre qu’il n’est pas familier des églises même s’il en connaît les usages, Manda se découvre. Se tenant par le bras, ils avancent côte à côte, au rythme de la musique sacrée, le regard tendu vers l’autel. Seuls quelques pas suffisent à rendre cette marche solennelle.capture d écran, Casque d or, Jacques Becker. Continuer la lecture de Au cinéma, Amour et Mariage font-ils bon ménage ? Dans Casus Belli, Anne Lévy-Morelle propose au spectateur de suivre les « sentiers de la paix » qu’arpentent quotidiennement le personnel d’un centre de médiation implanté à Ixelles en Belgique et le juge de paix Guy Rommel. Médiation et conciliation seront donc les deux pistes exploitées par la réalisatrice dans son travail sur les conflits banals. On pourrait s’interroger sur la pertinence du montage qui propose, comme côte à côte, les échanges ayant lieu au centre de médiation et les auditions du juge de paix mais la première scène du documentaire donne la clé de cette juxtaposition. Lors d’un entretien téléphonique avec une personne contactée dans le cadre de la résolution d’un conflit de voisinage, le médiateur propose une médiation alors même qu’une procédure devant le juge de paix est initiée. « ça n’empêche pas une médiation. Si la médiation marche, tant mieux. Sinon, la procédure judiciaire continue… » Nous comprenons ainsi le sous-titre du documentaire : il n’y a pas un mais plusieurs sentiers cheminant vers la paix. De même que les processus de réconciliation et de conciliation sont menés parallèlement, au quotidien, la réalisatrice ballade le spectateur entre le centre de médiation et la salle d’audience de la justice de paix. Cette alternance d’images permet de souligner les spécificités de ces deux processus de pacification des conflits qui ont pour point commun d’être désignés comme étant des modalités de la « justice alternative » (Carbonnier). Continuer la lecture de Les petites guerres à l écran. Médiation et conciliation dans Casus Belli d Anne Lévy-Morelle (2014) Lors du colloque Performing the law qui se tenait à Paris les 2 et 3 décembre 2015, Joachim Hamou a présenté certains de ses travaux qui entrent en résonance avec le droit ou la justice. Réagissant à un débat qui avait suivi l’intervention précédente, il pose comme principe que le projet artistique ne se conçoit pas en marge du droit, c’est-à-dire comme essentiellement, naturellement différent ou comme restant étranger à toute implication ou répercussion sur le droit. L’art et le droit ne sont pas si hermétiques l’un par rapport à l’autre dans le sens où l’un et l’autre font partie de la vie contemporaine : le juriste n’est pas le seul « orfèvre du droit » pour reprendre ici la belle expression de Jean Gaudemet, employée dans Les naissances du droit. La performance artistique est alors aussi et surtout performativité, véritable modalité de penser le droit et donc, d’une certaine manière, de le fabriquer. A plus ou moins long terme, le projet artistique s’inscrit finalement dans l’histoire du droit, dès lors que l’artiste est promu acteur du droit par sa création, tout aussi juridique qu’artistique. Continuer la lecture de Art contemporain et droit Joachim Hamou, performing the law (Nous avons demandé l autorisation de mettre en ligne les photogrammes du film aux agents de Quentin Tarantino. Le dossier est en cours. En cas de rejet de notre requête, nous serons contraints de supprimer les illustrations)Chercher la juridicité dans l’image cinématographique peut sembler trivial pour un historien du droit français alors même que la pertinence de cette voie a été démontrée par les universitaires anglo-saxons spécialistes de Law and film studies. Certains historiens du droit ont toutefois travaillé sur ces thèmes et notamment Pierre Legendre , qui a démontré que le droit prend part à « l’institutionnalité » , à la construction de la « Référence » comme représentation du monde, comme image que la société des hommes se donne à elle-même pour se structurer. A priori, le cinéma ne relève pas de l’image symbolique si on l’associe de manière trop réductrice à sa dimension de loisir et de divertissement. Cela ne réduit pourtant en rien l’intérêt que le juriste peut porter à la représentation du monde qu’il véhicule. Cela étant, art ou industrie, le cinéma est avant tout un « œil grand ouvert sur la vie, œil plus puissant que le nôtre et qui voit ce que nous ne voyons pas » . C’est ainsi dans la lignée des propos de Germaine Dulac que je me placerai pour apprécier Django Unchained de Quentin Tarantino, en considérant que le cinéma est un regard sur le monde et donc sur le droit. Continuer la lecture de La performativité du droit à l écran. Une analyse juridique de Django Unchained. Ce billet est le résumé d une communication faite lors de la rencontre « Image et Droit II » organisée à Rome les 4 et 5 décembre 2015 autour du thème « Les usages juridiques des images » par Naïma Ghermani et Caroline Michel d Annoville. Les working papers de cette journée seront très prochainement en ligne sur le site du Crhipa de l Université de Grenoble.Si le cinéma a depuis peu fait son entrée dans les amphithéâtres des facultés de droit, c’est encore à des fins pédagogiques et au rang accessoire d’illustration d’un concept que le juriste français utilise l’image cinématographique. Bien que l’idée que l’on puisse tirer du cinéma, et plus particulièrement de la fiction cinématographique, un matériau de nature à éclairer la recherche ait déjà été investie par les sciences sociales, elle est encore largement inexploitée dans le paysage de la recherche juridique en France .D’une part parce qu’en dépit des travaux du Doyen Carbonnier, une forme de positivisme semble attacher le juriste français aux sources formelles du droit et l’écarte d’un matériau qui n’est pas juridique par nature . S’il s’intéresse aux images, il s’en tient généralement à l’iconographie juridique, et presque exclusivement à une catégorie plus restreinte encore, celle de l’iconographie judiciaire . D’autre part parce que le cinéma n’occupe pas dans la pensée des juristes un rang équivalent aux autres arts. Considérée essentiellement comme un divertissement, la fiction cinématographique est disqualifiée en tant que source de connaissance juridique. La seule pensée qu’elle puisse avoir une fonction juridique, un impact sur la « vie du droit » est en soi iconoclaste.Partant de l’hypothèse que le droit est une représentation et que l’image cinématographique se prête à l’analyse de la représentation du réel, nous faisons le pari que la fiction cinématographique produisant une image qui n’est pas juridique, ni par nature ni par destination, permet pourtant de voir le droit, de penser le droit et même de réformer le droit . Continuer la lecture de L analyse juridique de l image cinématographique À la veille de la mise en chantier du nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles, il est particulièrement opportun d interroger sur la longue durée les formes symboliques qui habitent les lieux de justice. L’actuel Palais historique de la capitale, lieu de vie et lieu de mémoire, s’enracine dans la mémoire longue d’une île, la Cité, symbole et palimpseste de l’histoire d’une institution pluriséculaire.  La plupart de ces cycles allégoriques, généralement peu accessibles, n’ont pas été étudiés selon une perspective qui tiendrait à la fois compte de l’histoire des arts et de leur réception, des acquis de l’anthropologie visuelle et de ceux d’une histoire du droit ouverte à la spécificité de l’image. Les liens entre art et justice méritent d’être approfondis. L objectif est d’étudier ces décors de manière à la fois comparatiste et attentive au fait que ce sont aussi -et surtout- des lieux de justice. En élargissant le regard à l’échelle européenne, ce projet gagnera à établir des distinctions d’avec les décors allégoriques situés hors l’Europe, afin de déterminer ce qui constitue la spécificité du décor allégorique de justice européen. Les Chinois sont par exemple familiers des symboles du glaive et de la balance (même en zone rurale) mais ils ne comprennent pas pour quelles raisons les Européens ont choisi de figurer la justice sous les traits d’une femme.Le texte qui suit découle d une première étude, celle du décor de la grand chambre du Parlement de Flandre exécuté par Nicolas-Guy Brenet, peintre de l Académie Royale, pour les parlementaires de Douai en 1768-1769. Ce décor a suscité une réflexion plus vaste sur la fonction des allégories de justice, menée en 2013-2014 avec Antoine Garapon. Continuer la lecture de Allégories de Justice Ce billet reprend les éléments d un article qui sera publié dans le courant de l année 2015 dans les actes du colloque « La famille au cinéma » qui s est tenu lors des VIe rencontres Droit et cinéma de l Université de La Rochelle, 2013.(Le producteur SBS Productions et le distributeur Le Pacte nous ont aimablement autorisé à mettre en ligne les photogrammes du film qui apparaissent dans ce billet) Depuis le « Roi patriarche » jusqu’au « père des peuples », le pouvoir politique a souvent fondé et trouvé sa légitimité en s’inspirant de l’organisation familiale. Sans doute parce que les rapports de parenté ont constitué les premiers liens classificatoires, distinguant non seulement les générations, les sexes mais précisant aussi les rapports d’autorité, voire de domination. L’organisation familiale a ainsi servi de modèle à l’organisation politique. L’analogie est classique et a donné lieu à de nombreux travaux. Mais il est assez rare de la voir apparaître sur les écrans de cinéma, surtout avec la subtilité de Pascal Bonitzer. Continuer la lecture de L image du père-juge au cinéma. Autorité paternelle et sujétion civile dans Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer Ce billet reprend quelques éléments d une communication proposée dans le cadre des VIe Rencontres Droit et cinéma (Université de La Rochelle, 2013), intitulée « Droit positif et rémanences de l’ancien droit dans une chronique familiale au cinéma : Les invités de mon père d’Anne Le Ny (France, 2010) ». La communication fera l objet d une publication sous la forme d un article dans les Actes du colloque qui paraîtront en 2015.(TF1 droits audiovisuels nous a aimablement autorisé à mettre en ligne deux photogrammes du film. Le premier se trouve en « image à la une », le second dans le corps du texte)Si le cinéma est un art, c est aussi un médium de la réalité et à ce titre, une source de connaissance pour le juriste. Le film, comme l’œuvre littéraire, le chef d’œuvre pictural ou la pièce d’opéra, révèle le droit tel qu’il est vécu, subi ou ignoré par la société. Les niveaux de lecture sont pluriels : la représentation du droit est-elle fidèle à la règle telle qu’elle se trouve exprimée par les différentes sources du droit ? Il se peut que le droit apparaisse déformé. Déformé intentionnellement ou par erreur, déformé consciemment ou non, le droit au cinéma rend alors compte d’une réalité juridique autre que celle dont le juriste est familier. La représentation du droit peut aussi montrer un fonctionnement social en marge de la norme établie, ou permettre au juriste de rencontrer des pratiques et des mentalités plus anciennes qui constituent autant de preuves visibles d’une tradition juridique sous-jacente. Continuer la lecture de Légalité, moralité, fausse représentation du droit, vraie culture populaire Les invités de mon père, Anne Le Ny, 2010. Le western, film de guerre ?  Une hypothèse philosophique.Le western, genre contraint, présente des lignes : deux chemins parallèles qui, contre toute logique, se rencontrent. Fuite ou poursuite, éléments naturels devenant personnages adjuvants ou hostiles, ruse, pièges, cache-cache, ronde des charriots sous l’attaque soudaine, tuniques bleues traversant des rivières ou retranchées dans un fort aussi solide qu’isolé, Indiens menaçant fondus dans le paysage ou figure d’émancipation, duel… Alternance de mouvements larges et de statisme, univers clos et univers infini, diversions amoureuses, les lignes finissent par se rencontrer et laisser la place, forcément, à un affrontement et des morts. À travers une question posée au western, celle de la présence cachée de la guerre sous le premier degré de l’histoire anecdotique racontée, on cherchera à savoir, moins ce que dit le western du cinéma que ce qu’il dit à la philosophie. En ce sens, le western engage à une théorie programmatique et constitue, aussi, un laboratoire pour la pensée politique. Continuer la lecture de Le western, film de guerre? Une hypothèse philosophique Mot d’accueil de Xavier Perrot, historien du droit, co-directeur de l OMIJ (Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques) pour l’ouverture de la journée d’étude du 25 octobre 2013 « Analyse de l’image : jalons pour une méthodologie », dans le cadre du programme de recherche PRES LCP « Frontière(s) au cinéma ».« Mes plus vifs remerciements vont aux organisateurs de cette journée (Nathalie Goedert, Ninon Maillard, Christophe Bonnotte, Stéphane Boiron) qui offrent l’occasion à l’équipe des historiens du droit de l’IAJ (Institut d’Anthropologie Juridique) au sein de l’OMIJ, de matérialiser un rêve déjà vieux, celui de développer à Limoges des recherches en iconologie juridique. Cela ne devait pas initialement passer par le cinéma, donc l’image animée, mais plutôt par l’image fixe ; l’effort épistémologique et méthodologique mené par le récent GRIMAJ (Groupe de recherche en analyse juridique de l’image) devrait montrer que la césure n’est pas antithétique et que cette « frontière » fixe/animée est à relativiser.Je vais m’arrêter quelques instants sur ce problème, qui n’est peut être pas hors sujet, car il me donne l’occasion de saluer la mémoire de celui qui est à l’origine de ce rêve iconologique – avec Pascal Texier – visant à inscrire l’iconologie juridique dans les thématiques de recherche de l’IAJ : il s’agit de Jacques Phytilis, juriste de grand talent, passionné d’art (de peinture notamment), et dont l’immense culture (les Lettres, la musique, l’Histoire), lui avait fourni l’outillage intellectuel pour traiter des questions juridiques par l’image, à l’exemple d’un Panofsky dont il admirait les travaux. Cette passion donna de beaux textes qu’il qualifiait lui-même « d’iconographie historique de l’État » : citons en priorité, « De l’objet esthétique comme dérivé de l’exécution : la damnatio memoriae » ; « Portraits de Princes : quelques détails hors normes » ; ou encore « Couple, Images et Droit : regards iconoclastes ». Jacques Phytilis me fit travailler en son temps sur le problème de la nature juridique des objets d’art en exil ; il était en effet mentalement et physiquement travaillé pourrait-on dire par le démantèlement et le déplacement des frises du Parthénon et leur présentation au British Museum de Londres. Ses origines paternelles grecques certainement ! Je voudrais donc utiliser cet objet d’amour esthétique comme source d’inspiration pour dire quelques mots fragiles sur le thème du jour : « Analyse de l’image : jalons pour une méthodologie » dans le cadre du programme de recherche « Frontière(s) au cinéma ».La frontière dont il sera question est celle, évoquée plus haut, du possible verrou méthodologique entre image fixe et image animée. Autant il peut sembler envisageable et pourquoi pas naturel pour le juriste d’interpréter l’image immobile – c’est le cas par exemple des miniatures médiévales et de la peinture classique – autant le champ d’interprétation juridique de l’image animée est, lui, largement boudé. Une courte rêverie sur l’objet « frise du Parthénon » me parait néanmoins offrir l’occasion de franchir cette frontière méthodologique. Continuer la lecture de La relativité de la frontière image fixe/image animée : de Phidias à Eisenstein Synthèse de la Journée d études de Grimaj du 25 octobre 2013, organisée à Limoges par l OMIJ dans le cadre du PRES LCP (Limousin-Charente-Poitou) « Frontière(s) au cinéma ».Si l’iconologie juridique existe depuis longtemps, l’analyse juridique de l’image animée est plus rare, voire inexistante. Le projet vise dans un premier temps à former un groupe de travail pérenne pour établir progressivement une méthode d’analyse autour de concepts partagés, sinon communs. Il s’agit de mettre en place une équipe qui pourrait, à moyen terme, se réunir régulièrement sous la forme d’un séminaire afin de produire des travaux en analyse juridique de l’image. L’objectif est de saisir, à travers l’image, le droit et sa représentation. Le matériau peut être divers : images fixes, images animées, films d’animation, documentaire, images d’archives… La pluridisciplinarité du groupe a vocation à fournir à l’équipe une diversité d’angles de vue : sémiologique, sociologique, historique et juridique. A travers les contributions des différents spécialistes, les méthodes d’examen de l’image, les concepts servant l’analyse, les logiques sous-tendant le raisonnement, les interprétations proposées permettent à tous d’appréhender l’image projetée au prisme d’une grille de lecture spécifique et à chaque fois éclairante.Première journée de travail : Le groupe se réunit autour d’un thème particulier, à savoir « la frontière ». Chacun se présente avec un support imagé au choix et propose son analyse. La succession des interventions démontre à la fois l’intérêt de travailler ensemble mais aussi la disparité des angles de vue, des pistes exploitées, du vocabulaire, des méthodes et ipso facto des conclusions produites. Au fur et à mesure de la journée, des recoupements s’opèrent et des « ponts » entre les spécialités se construisent. Autour d’une préoccupation commune (la frontière) et d’un support commun (l’image), les analyses spécifiques à chaque discipline se révèlent complémentaires pour appréhender l’image dans sa globalité et pour lui donner sens. La sémiotique suppose un examen très précis des images, de leur montage, de leur cadre, de leur enchaînement, du fond comme de la forme.Les nombreux extraits proposés par Sylvie Périneau sont à chaque fois littéralement disséqués : l’approche sémiotique permet de se saisir du travail de l’image et de déconstruire l’objet pour mieux en reconstruire le sens. Le vocabulaire utilisé est spécialisé sans être inutilisable par d’autres disciplines : ainsi la diégèse. Suite à la contribution de S. Périneau, un échange autour de la « grammaire » prouve que certains outils emportent, ou non, l’adhésion des spécialistes. Christophe Lamoureux fait une remarque d’importance : le maître d’œuvre du film, celui qui précisément opère ce travail d’image est un artiste et un acteur social. Par là-même, il faut aussi contextualiser le travail de l’image qui ne saurait se réduire à un examen clinique et logique, dépouillé de toute considération de contexte.Pascal Texier propose une rétrospective de ce qui s’est fait en iconologie juridique avant de montrer ce que le juriste peut tirer de l’examen des images, ici fixes. Là encore, la méthode d’analyse s’appuie sur une série, sur un corpus. Des informations précieuses sur le droit, sur les institutions découlent de l’examen systématique des images médiévales (sceaux, miniatures mais aussi tableaux, tympans ou chapiteaux d’église…). La compréhension du sens des images n’est qu’une première étape : l’analyse produit ensuite de la connaissance sur les procédures, les évolutions institutionnelles et même la chronologie. L’image n’est pas illustration, elle est source première de savoir.Stéphane Boiron projette des photographies de Land Art au groupe de travail. La question de la recherche du sens est ici primordiale car l’image est porteuse d’un message. Le lieu, l’auteur, la date renseignent sur l’intention première de l’artiste. L’étude des images artistiques dans une démarche politique est intéressante : elle rappelle que l’image peut être vecteur d’un propos. Ici, l’œuvre artistique matérialise le concept de frontière. L’art peut donc faire visualiser, concrétiser, donner à voir l’immatériel, l’insaisissable, l’invisible.L’intervention de Pascal Plas autour des images des procès internationaux établit la nécessité de réunir des chercheurs capables d’analyser ces images juridiques. L’exemple de Nuremberg est édifiant : 2h de film diffusé sur 40 heures produites alors que le procès a duré plusieurs mois. La vérité peut-elle provenir d’images lorsque l’image est fausse ? La récolte des images en cours va nécessiter un classement, une indexation et à moyen terme une analyse. Pascal Texier et Christophe Lamoureux réagissent sur cette image de procès, notamment aux Etats-Unis. Le premier pour souligner que l’image du procès ne peut se comprendre qu’au regard de la procédure, le second pour insister sur le statut culturel de l’image et sur sa place particulière dans la construction de la mémoire. L’ensemble de ces échanges permet d’établir que l’analyse de l’image est nécessaire au regard de la place que celle-ci prend dans le domaine de la preuve par exemple, et que cette analyse doit être globale : juridique, sociologique, sémiologique.Christophe Lamoureux a choisi un film de fiction (Heaven’s gate de Michael Cimino) pour démontrer que le matériau cinématographique est précieux, voire irremplaçable, pour le sociologue. Il souligne un point fondamental : l’image cinématographique n’est pas seule en cause, il faut aussi considérer sa réception pour appréhender sa valeur sociologique. Le film, proposé et visionné, devient un matériau ayant valeur de donnée ethnographique. Le film doit ainsi être considéré dans sa réalisation, dans son scénario, dans son genre, dans son époque, dans sa réception pour être pleinement signifiant d’un point de vue sociologique. Alors même que le film n’ambitionne pas de présenter une vérité historique, il est porteur d’une autre vérité qui lui échappe et que seule l’analyse, ici sociologique, peut révéler.Asal Bagheri-Griffaton expose sa méthode de travail et ses outils d’analyse. A l’appui de deux films autour du thème proposé, elle explique la recherche d’indices convergents qui constitue l’analyse systémique, préalable à l’analyse interprétative. Ce modèle en deux temps permet de travailler l’image comme un texte à partir des signes linguistique ou iconique dont A. Bagheri propose une typologie (iconique, scénique, technique, sonore).A l’issue de ces échanges, il est apparu que l’approche pluridisciplinaire pouvait préciser le concept de frontière par le recours à ses représentations. La journée a commencé par la contribution toute conceptuelle de Clarisse Siméant qui vise à définir juridiquement la frontière dans une dimension historique. Avant d’être une ligne, la frontière a été un front, une limite de zone d’autorité ou d’influence ou encore les confins du monde. L’objet possède une haute teneur symbolique puisque la frontière définit dans une certaine mesure le rapport à l’autre, souvent construit à partir d’une limite territoriale. La frontière est conçue comme point de contact avant de prendre le dessin d’une ligne de démarcation, qui sépare. Ainsi, la notion de frontière est déjà polymorphe puisqu’elle sépare et rapproche. La frontière évoque aussi les limites de l’autorité : on ébauche avec elle un espace politique. Cette conception triomphe au moment de la Révolution française dont on connaît le goût pour la ligne droite et le compas : découpage territorial en département et théorie des frontières naturelles.En droit international, la frontière permet de désigner les points extrêmes de deux ordres juridiques (Virginie Saint-James). La frontière dessine un périmètre englobant : elle protège mais enferme aussi. Symboliquement, le franchissement de la frontière est plus important que la frontière elle-même. C’est d’ailleurs souvent à l’occasion de son franchissement que la frontière est évoquée au cinéma (Sylvie Périneau évoque les postes frontières, la douane, les contrôle divers et les moyens de locomotion employés pour passer les frontières qui représentent cette dernière à l’écran…) Elle donne lieu à un imaginaire fort qui incite au mouvement : dépasser la frontière, repousser les limites, transgresser aussi… La frontière accompagne souvent une idéologie conquérante, notamment à l’occasion de l’expansion sans fin des empires (romains, napoléoniens…)Au-delà du thème examiné, ce sont surtout les questions de méthodologie qui ont occupé les débats : Sur la pertinence d’une séparation entre image fixe et image animée :nos échanges ont fait la démonstration que nous pouvions évoquer ensemble ces deux dimensions iconographiques (Xavier Perrot a rappelé en introduction de la journée d’étude que les frises du Parthénon constituent le premier film script de l’histoire). Des méthodes spécifiques peuvent être dégagées mais les grandes lignes du traitement des images et surtout les résultats attendus de l’analyse restent communs. La question du langage est vite devenue centrale :Chaque discipline a son langage ; le cinéma a son langage ; les images ont un langage : sémiologue, sociologue et juriste décryptent l’image tout en codant leurs analyses par un vocabulaire spécialisé. Il faut trouver un langage commun ou trouver des connexions entre les vocables, voire établir un langage spécifique pour l’analyse juridique de l’image. Les sémioticiens évoquent une démarche indicielle (les indices signifient) qui permet de reconstruire une grammaire, toutefois différente de celle de la langue. Le débat porte aussi sur la question du sensToute image doit-elle faire sens ? N’outrepasse t-on pas notre rôle en reconstruisant arbitrairement avec nos outils disciplinaires, le sens voire le message de l’image ? Comment trouver l’équilibre entre l’analyse qui éclaire un concept sans préjuger du sens initial de l’œuvre ? L’analyse juridique de l’image se démarque de la compréhension de l’image. Elle dépasse les intentions premières de la création de l’image pour, à l’appui d’une contextualisation et d’une déconstruction, offrir des éléments de connaissance sur un concept, une institution, une technique juridique, un événement historique. Dans certains cas, l’analyse de l’image conduit à des conclusions différentes de celles de l’historiographie commune. L’image doit être envisagée tant dans sa production que dans sa réception. Il est nécessaire de distinguer entre l’image produite et l’image reçue car on ne doit pas présupposer que le langage du créateur et le regard du récepteur ne font qu’un. Le sens voulu par le créateur ne sera pas forcément le sens perçu par le récepteur. L’image utilisée à fin de preuve ne constitue pas automatiquement une image de la vérité. Seule une analyse que l’on pourrait qualifier de scientifique peut tendre à déterminer le sens de l’image, sa teneur véritable.L’image du procès, produite lors du procès ou issue de l’enregistrement de ce dernier, nécessite une analyse approfondie pour révéler sa part de vérité. Elle ne constitue pas, en elle-même, la vérité. De même, le cinéma peut relayer des idées fausses : il participe à la réécriture de l’histoire, voire à son écriture : il revisite les mythes, voire les fonde. Il est l’un des éléments de construction d’une culture sociale et juridique. L’identification traditionnelle de la nature des images entre documentaire et fiction s’avère insuffisante. Il y a parfois plus de réalité dans la fiction (Christophe Lamoureux le souligne pour Heaven’s gate : ce film traduit une réalité sociologique mieux que l’expert ne peut le faire), et plus de composition, de reconstruction dans le documentaire ou la production d’images d’archives (Pascal Plas l’a démontré au sujet du procès de Nuremberg). Il faut prendre au sérieux la médiation esthétique du cinéma (Sylvie Périneau a souligné que le cinéma est un langage) qui est en soi, un matériau social signifiant. La mise en forme de l’image, dès lors qu’elle est contextualisée, a autant de sens que le fond. La nécessité du corpusAsal Bagheri et Pascal Texier ont souligné l’importance de travailler sur un corpus et non sur des objets isolés : Comment définir ce corpus, surtout quand il s’agit de cinéma. Plus largement et plus long terme, comment identifier, indexer un corpus, classer les films ?La journée d’étude s’est terminée sur une discussion autour de la suite à donner aux rencontres du groupe. Il s’est avéré nécessaire de préciser les objectifs scientifiques de la démarche : qu’est-ce qu’une analyse juridique de l’image, qu’est-ce que l’analyse d’une image juridique, dans quelle mesure est-ce novateur et utile ? Il est urgent de dresser un état de la recherche, de préciser les termes employés (représentation, iconologie, iconographie, analyse juridique) et d’adapter les méthodes d’analyse de l’image afin d’une part de trouver une application spécifique aux images du droit (iconologie juridique) et d’autre part, de donner naissance à une analyse juridique des images.consulter le programme de la journée d étude : programme séminaireNinon Maillard et Nathalie Goedert pour GrimajPour citer ce billet : Nathalie Goedert/Ninon Maillard, "Analyse juridique de l image Jalons pour une méthodologie," publié sur IMAJ, le 07/04/2014. Lien : https://imaj.hypotheses.org/74. « By order of the fucking Peaky Blinders. »[1]Peaky Blinders, réalisée depuis 2013 par Steven Knight, est une série anglaise dont l’intrigue se situe à Birmingham dans les années 1920. Elle met en scène une famille profondément affectée par les conséquences de la première guerre mondiale. Ses membres, incarnés notamment par Cillian Murphy, Sam Neil, Paul Anderson ou encore Helen McRory, constituent un gang – sorte de famille au sein de la famille – qui, de petite frappe à l’échelle de sa ville, devient progressivement l’un des plus influents d’Angleterre (à un point tel que le personnage principal, Thomas Shelby, va devenir un agent travaillant pour Winston Churchill).La série attire les regards du spectateur par la beauté de sa réalisation dont les plans ne sont pas sans rappeler certaines séquences d’Orange mécanique (Stanley Kubrick). Ces derniers, visuellement exceptionnels, contrastent avec la laideur de cette ville ainsi qu’avec la cruauté des pratiques de ce gang.Ce dernier n’est pas une fiction inventée pour les besoins de la série. La ville de Birmingham a effectivement connu, à la fin du xixe et au début du xxe siècle, un gang aux traits caractéristiques identiques[2]. En effet, les membres de la famille Shelby se vêtissent tous à l’identique afin de marquer leur appartenance à cette famille[3]. Outre le costume, leur principal trait provient de leur casquette plate (peak en anglais) sous la visière de laquelle se trouvent des lames de rasoir destinées à aveugler (blind en anglais) leurs adversaires. Ces principaux traits, inspirés du réel gang de Birmingham[4], sont le marqueur visuel et identitaire de ce gang qui attire l’attention du juriste.En effet, celui-ci est amené à s’interroger sur la place qu’occupe le droit et son respect au sein de la série. Dans la première saison notamment[5], l’officier Campbell[6] est chargé de mettre un terme aux agissements de la famille Shelby. Ce conflit entre le représentant de l’État – et donc du droit produit par l’État qu’il vient faire respecter – et le gang de Birmingham est l’occasion de constater que dans cette ville, seules les règles produites par les Peaky Blinders comptent. En effet, les habitants, soumis aux membres du gang dans un lien de domination rappelant le lien féodo-vassalique préfèrent défendre la famille Shelby plutôt que de soumettre aux injonctions du représentant de l’État.Un appel à repenser la définition du concept de normeDans une approche toute kelsénienne[7], la norme légitime est celle produite par l’État. Or, nul doute que l’Angleterre post première guerre mondiale est un État au sens le plus strict du droit public. Pourtant, le droit respecté au sein de la ville de Birmingham n’est pas le droit produit par l’État. En effet, ce sont les règles produites par les Peaky Blinders que les citoyens de la ville respectent. Celles-ci concernent tous les domaines de la vie des habitants : expropriation de bars qui passent sous contrôle du gang, interdiction d’entrer en contact avec certains individus bannis de la ville, interdiction de contracter certains mariages…Ainsi, même si ces normes violent le droit produit par l’État, ce sont elles que les citoyens respectent. Ce faisant, les membres du gang sont en mesure de produire des règles qui ont tous les traits caractéristiques d’une norme juridique : l’énoncé, général et impersonnel, est obligatoire pour tous et son non-respect est sanctionné d’une manière connue (la destruction des biens immeubles d’abord – bars notamment – la mutilation, ensuite – les yeux sont souvent arrachés à l’aide de la lame de rasoir cachée sous la visière de la casquette – et la mort en cas de récidive ou pour les crimes les plus graves).Ce faisant, le droit se présente avant tout comme l’expression d’une réalité sociale particulière au sein de laquelle il s’insère. Dès lors qu’un énoncé s’impose de manière générale, sur un territoire ainsi qu’une population déterminés et que sa violation peut donner lieu à sanction, il constitue, à notre sens, une norme.Les Peaky Blinders, en produisant – de manière concurrente à l’État – des règles connues de tous dont la violation entraîne la sanction, permettent de repenser la définition de la norme. Le droit n’est pas simplement les règles produites par un État. Le droit est avant tout l’expression d’un rapport de domination. Dès lors, pour déterminer la règle qu’il convient de suivre, il convient d’identifier l’autorité qui est réellement placée en position dominante. La première saison de la série le montre alors clairement en mettant en scène l’échec de l’officier Campbell : seules les règles produites par les Peaky Blinders sont respectées.Un rapport au droit rappelant les règles féodo-vassaliquesLes Peaky Blinders se présentent comme une famille mafieuse à laquelle les habitants de la ville doivent fidélité et obéissance en contrepartie de leur protection ainsi que du droit d’utiliser, de manière privative, certains espaces de la ville pour vivre et commercer. Ainsi, les bars, appartements et maisons doivent être regardés comme un démembrement de la propriété totale qu’ont les membres de ce gang sur la ville. Rappelant la théorie de la mouvance affirmée par Suger[8], chaque fief au sein de cette ville est le démembrement d’un plus grand fief qui appartient, en dernier ressort, à cette famille.Celle-ci assure par ailleurs, en échange de la fidélité des habitants de Birmingham, la protection de ces derniers contre les prétentions des gangs rivaux. En ce sens, la police, entièrement corrompue, n’est que le bras armé de la politique publique (d’essence privée devrait-on dire) que les Peaky Blinders entendent faire appliquer au sein de leur territoire.La ville de Birmingham se fait alors propriété privée appartenant au gang. Mais, ce n’est pas simplement cette ville qui est envisagée comme une propriété privée. En effet, le personnage d’Alfie Solomons, incarné magistralement par Tom Hardy, apparaît quant à lui comme le chef du « gang des juifs » qui détient, de la même manière, l’autorité exclusive sur une grande partie de la ville de Londres. Entre rivalité et alliances fragiles, la relation entre Alfie Solomons et Thomas Shelby illustre, à travers les multiples négociations portant sur la faculté de s’accaparer certaines portions de territoires pour leurs affaires (les canaux fluviaux notamment), le caractère tout privatif du domaine qui n’a plus rien de public. Et, c’est précisément parce que le territoire est considéré comme une propriété privée que le droit produit par l’État ne peut pas s’appliquer.Enfin, notons que chaque « famille » rivale dispose d’un identique pouvoir sur la population qu’elle protège : en cas de conflit armé, elle peut en appeler à cette dernière pour se battre à ses côtés. Ainsi, il n’est pas rare que les Peaky Blinders convoquent leur ban afin de les aider à combattre un ennemi particulièrement cruel. Ce pouvoir est notamment utilisé au cours de la saison 4 lorsque Thomas Shelby décide de piéger le leader de la mafia italienne venu pour mener à Birmingham une vendetta devant décimer sa famille. Piégeant Luca Changretta, incarné par Adrian Brody, le leader des Peaky Blinders l’attire au cœur de Birmingham afin que ses habitants prennent les armes et les retournent contre le rival italien.Par-delà la beauté de ses plans et la richesse de ses intrigues, la série Peaky Blinders peut être regardée comme une invitation à penser le droit au-delà de l’État. En effet, en s’appropriant la ville de Birmingham, les Peaky Blinders apparaissent comme la seule autorité susceptible d’énoncer le droit et de l’appliquer. Les normes produites par la famille Shelby entrent en effet régulièrement en contradiction avec celles produites par l’État. Cependant, connues de tous et faisant l’objet de sanctions en cas de violation, elles sont les règles réellement appliquées par les habitants. En se montrant capables de s’imposer aux autorités publiques (qui en viennent à s’appuyer sur eux), les Peaky Blinders invitent ainsi à penser que le rapport à la norme est d’abord l’expression d’un rapport de domination.Pour citer ce billet : Franck Carpentier, Quand le droit que l on respecte n est pas celui écrit dans le code, Billet mis en ligne le 23 février 2018 sur imaj–Carnets de recherches en Analyse Juridique de l’IMage, hébergé sur hypotheses.org.[1] Phrase récurrente prononcée par les membres de ce gang pour doter leurs actions d’une force exécutoire comparable à celle d’un jugement insusceptible de recours s’imposant à tous.[2] Bourgoin (Amandine), « Peaky Blinders : la véritable histoire du gang de Birmingham », Paris Match, 19 janvier 2018, disponible en ligne : http://www.parismatch.com/Culture/Medias/Peaky-Blinders-la-vraie-histoire-du-gang-de-Birmingham-1442336#[3] Que l’on emploie le terme au sens d’une famille mafieuse ou dans le sens le plus strict.[4] Voyez sur ce point : Chinn (Carl), The Real Peaky Blinders: Billy Kimber, the Birmingham Gang and the Racecourse Wars of the 1920s, Warwickshire, 2014, 112 p.[5] Son retour dans la seconde saison sert plutôt un dessein romantique.[6] Incarné par Sam Neil[7] Voyez : Kelsen (Hans), Théorie générale du droit et de l’État, Paris ; Bruxelles, LGDJ ; Bruylant, 1997, 522 p.[8] Suger, Vie de Louis vi le Gros, Paris, Les belles lettres, 2007, 332 p. DATE : Mercredi 22 et jeudi 23 novembre 2017LIEU: Institut d’Études Avancées de Paris Hôtel de Lauzun, 17 quai d’Anjou 75004 Paris + 33 (0)1 56 81 00 52, M° Pont-Marie ou Sully-Morland (ligne 7)WiFi Réseau : IEA-Public Mot de passe : IEAParis123Facebook : www.facebook.com/IEAdeParis Twitter : @IEAdeParisRENSEIGNEMENTS INSCRIPTIONS : ici.Le 30 juin 2017, le nouveau Tribunal de Justice de Paris a été livré. Voulu par son architecte, Renzo Piano, comme « le symbole fort du Grand Paris », celui-ci va modifier profondément le paysage urbain et le rapport que la capitale entretient avec sa périphérie. L’architecte génois inscrit son édifice dans la tradition de l’humanisme civique, sur le socle de la civitas que l’on peut traduire par le vivre ensemble. Il s’agit avant tout de rompre avec le modèle architectural du Temple de la Justice inventé au XIXe siècle, qui, malgré sa cohérence, visait avant tout à culpabiliser et intimider les justiciables. La nouvelle symbolique, comme le souligne Antoine Garapon, tend à un nouvel équilibre entre la nécessaire solennité des lieux, leur insertion dans la ville et l’attention portée aux justiciables, tout en se gardant de banaliser le lieu où l’on rend la justice. À cette occasion, et dans la mesure où cet édifice est le premier jalon d’un temps fondateur, il nous a paru judicieux de proposer un double événement qui lie la visite in situ de cet édifice à deux jours de réflexion et de débats sur ce que pourrait être la symbolique judiciaire à l’aube du XXIe siècle. Il est nécessaire de saisir la fonction symbolique de la justice pour réfléchir sur sa visibilité dans la cité et sur l’image qu’elle donne d’elle-même à ses justiciables. Depuis quelques décennies, l’architecture judiciaire a connu un renouvellement profond et il apparaît que l’ancienne symbolique (les mythes Astrée, Diké ou Thémis -, les images de la Loi, les statues et programmes allégoriques) ne parle plus au plus grand nombre et semble d’un autre âge. Les élites sont rejetées et les programmes symboliques anciens semblent renvoyer à une transcendance numineuse aujourd’hui caduque. Le palais de Justice contemporain repose bien souvent sur un impératif de transparence : c’est la notion d’accountability qui prime et qui est traduite par l’omniprésence du verre. Or ce fantasme panoptique, très visible dans notre société, n’est pas toujours bien perçu ni admis par ceux qui le subissent. Que signifie alors pour un architecte, un anthropologue mais aussi un usager du bâtiment, ce défi sociétal qui consiste à inventer une nouvelle symbolique judiciaire ? Le but de ce colloque est de réunir plusieurs approches (philosophie, histoire du droit et de l’architecture, histoire de l’art, sociologie et anthropologie) pour élaborer un point de vue critique sur l’ébullition en cours. L’histoire et la sémiologie des décors de justice contemporains constituent un champ de recherche largement ouvert, qui se situe au coeur des interrogations actuelles sur les missions de la justice dans la société contemporaine. Le défi est lancé à notre démocratie car sans efficacité symbolique, son message risque de devenir moribond.Comité scientifique :Nathalie Goedert (Université Paris Sud, OMIJ) nathalie.goedert@u-psud.frValérie Hayaert (résidente 2016-2017 de l’IEA de Paris) valerie.hayaert@EUI.euNinon Maillard (Université de Nantes, DCS UMR 6297) ninon.maillard@univ-nantes.fr Continuer la lecture de Bien juger. Du symbole aux actes De Bamako au Tribunal Monsanto (2e partie)Dix ans après la sortie de Bamako, la société civile organisée en association, semble reproduire le procédé quand elle organise le procès réel mais fictif de la firme Monsanto. L’idée de juger l’entreprise multinationale pour des crimes qui n’existent pas encore légalement ou qui ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales en l’état actuel du droit est née du Forum civique européen. Un comité d’organisation se forme, composé de juristes et de militants qui sollicitent bientôt le « marrainage » de Marie-Monique Robin, connue pour ses engagements et réalisatrice du documentaire Le monde selon Monsanto. Elle offre son soutien inconditionnel à ce geste, symbolique tant il paraît vain dans le contexte juridique international ; sa notoriété permet alors d’entraîner dans l’aventureuse entreprise des personnalités des cinq continents et le 3 décembre 2015, en marge de la COP 21 qui se tient au Bourget, une conférence de presse lance le projet de l’International Monsanto Tribunal in The Hague[1]. Né de la colère de la société civile, le rêve rejoint la réalité.De vrais professionnels du droit auditionnent et assurent la défense des témoins-victimes de l’entreprise multinationale. Il s’agit là aussi d’une représentation de la justice, d’une fiction aux forts accents réalistes. Mais la filiation s’arrête là. Ce n’est plus cette fois un sujet de cinéma, mais un « vrai-faux procès » mondialisé par l’image. Le Tribunal Monsanto qui siège à La Haye en octobre 2016 entend non seulement dénoncer un crime impuni mais encore contribuer à une réflexion internationale visant à identifier de nouvelles incriminations et inspirer, à terme, une réforme du droit international. La médiatisation de l’événement permet d’analyser discours et images et de mesurer, au delà des apparences, l’écart qui sépare ces deux initiatives ainsi que les systèmes de représentations qui sous tendent ces procès. Toutes deux en effet recourent au même dispositif pseudo-réaliste mais ne donnent pas lieu au même jeu de la fiction.I) La mise en scène du procès : l’apparence de la réalitéD’inspiration civique, le geste n’a été rendu possible que par le relais artistique. Car si c’est par conviction que Marie-Monique Robin a accepté de participer une fois de plus à une action contre Monsanto, la dimension scénique du procès, comme mode de combat, a assurément pesé lourdement dans son engagement. L’idée de juger Monsanto devant un tribunal constitué ad hoc étant résolument cinématographique. Outre sa notoriété, Marie-Monique Robin offre son carnet d’adresses tant pour les soutiens au comité que pour les personnalités qui seront invitées à témoigner, qui pour la plupart ont été rencontrées à l’occasion du tournage[2]. Son expérience de réalisatrice rend donc l’entreprise possible. Le Tribunal a besoin d’un lieu pour siéger, de juges, d’avocats, de témoins et d’un chef d’accusation. La mise en scène réaliste est toutefois soutenue par un effort rhétorique.Le lieuComme pour le scénario d’Abderrahmane Sissako, le lieu a fait l’objet d’un choix scrupuleux et surtout symbolique. Le Tribunal Monsanto s’installe à La Haye, non loin du siège de la Cour pénale internationale. Ce choix a pour effet de renforcer la légitimité de cette instance civile et spontanée qui se place ainsi implicitement sous l’aile protectrice de son aînée ; sans compter qu’il favorise la confusion pour des esprits peu vigilants qui, spontanément et ne serait-ce que pour un court instant, pourraient croire à la tenue d’une véritable instance internationale. Les images renforcent cette impression. La vidéo de l’ouverture de la session présente la façade d’un bâtiment institutionnel – c’est en fait un établissement d’enseignement supérieur- qui n’est pas sans rappeler l’architecture la plus classique des Palais de justice : quelques marches pour y accéder, car la justice élève, les colonnes d’un temple, car la justice est sacrée.Pour ajouter de la solennité à la manifestation, disposition et protocole sont respectés. Une table d’audience fait face à l’assistance, un pupitre tient lieu de barre et accueille les témoins. Un huissier annonce l’arrivée de la cour en ces mots : « Le tribunal. Please, stand up ! » L’assistance se lève ; les juges pénètrent alors dans la salle d’audience, chargés de leurs dossiers. Les greffiers, au nombre de deux, s’installent avec leur matériel d’enregistrement[3]. Cet ensemble d’indices visuels révèle la représentation mentale que l’on se fait communément d’un tribunal[4].disposition des lieuxArrivée des jugesles greffiersMais déjà d’autres indices viennent contrarier cette mise en scène. Le « procès » commence avec le propos préliminaire de Corinne Lepage, membre du comité d’organisation, qui prononce une allocation d’ouverture que l’on n’entendrait pas dans un tribunal où il n’est guère d’usage qu’une des parties au procès accueille l’assistance, remercie les juges de leur participation et explique la démarche autant que les résultats attendus. Explicitement destinés à la médiatisation de l’entreprise, ce discours crée dès l’origine, un hiatus. Le huis-clos du procès n’est pas respecté. L’ambiance est, sinon au spectacle, du moins à la manifestation publique, à ce qui s’annonce d’ailleurs comme une « journée historique ». Les chevalets qui portent les noms des magistrats, les bouteilles d’eau donnent plutôt à la scène l’allure d’un colloque universitaire. Rigoureusement interdits dans les prétoires, les applaudissements qui viennent clore les discours confirment l’impression d’un show ou d’une performance[5]. Comme dans le film, parmi le personnel non autorisé, mais requis pour l’expérience, des reporters qui filment le procès apparaissent parfois dans le champ, munis de perches et de caméras.L’ambiance n’est guère à l’audience judiciaire. Faut-il dès lors compter sur les acteurs pour conférer une authenticité à ce tribunal ? Car moins que la matérialité de son siège, qui peut n’être ni permanent ni fixe, le tribunal se conçoit nécessairement comme un espace qui réunit ensemble deux parties en conflit et un tiers impartial.2 Les acteursAfin d’inscrire son initiative dans la réalité, le collectif organise un procès conduit par des professionnels de la justice, juges et avocats qui assistent des parties, identifiées comme des personnes morales existantes et auditionnent des témoins réels, experts ou victimes. Les jugesSe rattachant à une définition moins matérielle qu’organique, qui fait des juges l’incarnation du tribunal, les discours comme les articles de presse qui présentent cette initiative ou en rendent compte, font de la participation de « vrais juges » l’indice le plus certain de l’existence d’un « vrai tribunal ».Le Tribunal Monsanto est composé de cinq « juges ». Il est présidé par Françoise Tulkens qui a exercé pendant 14 ans les fonctions de juge à la CEDH, dont elle a été un temps vice-présidente et qui a ensuite, en 2012, été membre du panel consultatif des Nations-Unies sur les droits de l’homme au Kosovo. On trouve à ses côtés Dior Fall Sow, avocate sénégalaise, première femme nommée Procureure générale au Sénégal. Elle a été en outre consultante pour la Cour pénale internationale, avocate générale au Tribunal pénal international pour le Rwanda, ainsi que membre fondatrice et présidente d’honneur de l’Association des juristes sénégalais. Jorge Abraham Fernandez Souza, juge à la Cour des contentieux administratifs de la ville de Mexico a été aussi rapporteur au tribunal Russel sur la répression en Amérique latine. Enfin, Eleonora Lamm, de la Direction des droits humains à la Cour suprême de justice de Mendoza et Steven Shrybman, associé au cabinet juridique Goldblatt Partners LLP qui exerce ses fonctions d’avocat à Toronto et Ottawa. Dès lors, l’expression « vrais juges » mérite d’être nuancée. Bien que le choix se soit porté sur des « personnalités reconnues », « éminents spécialistes » et réunissant, au sens du Statut de Rome qui institue la Cour pénale Internationale, « les conditions requises dans leurs Etats respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires », on soulignera tout d’abord que le terme « vrais » ne vise pas ici à désigner des magistrats professionnels. Seuls trois membres sur les cinq qui composent ce Tribunal appartiennent à cette catégorie. Encore que n’étant plus en activité, pour deux d’entre eux au moins, car un juge en activité ne peut siéger dans un tribunal citoyen « ce qui constituerait une sorte de conflit d’intérêts ». Toutefois, la redondance des expressions, « vrais magistrats », « vrais juges » dans les propos tenus par les membres du comité d’organisation, ne manque pas de produire la confusion dans la presse qui qualifie indistinctement les magistrats de ce Tribunal civique de « juges internationaux », ce qu’ils ne sont pas !C’est essentiellement au titre d’experts que siègent ces derniers, apportant à cette manifestation leur connaissance du droit international autant que des arcanes de la justice pénale. Tireraient-ils alors essentiellement de leurs compétences leur légitimité de vrais juges ? C’est ce que sous-entend Marie-Monique Robin dans son discours de clôture : « Bien sûr, c’est nous qui vous avons conviés mais vous êtes de vrais juges, c’est à dire que vous connaissez le droit ». Sans doute, et le statut de Rome, s’inspirant plus de la tradition anglo-saxones en la matière que des pratiques continentales, le confirme, la connaissance du droit constitue-t-elle fréquemment une condition nécessaire à l’exercice des hautes fonctions judiciaires. Encore qu’on ait parfois, selon les époques ou les circonstances, privilégié d’autres compétences. Le système de l’élection des juges, pratiquée au moment de la Révolution française, ou aujourd’hui encore pour les conseils de prud’hommes repose moins sur la compétence juridique que sur le civisme ou le corporatisme. Mais si la connaissance du droit apporte un surcroît de légitimité dans l’exercice des fonctions de juge, elle n’a jamais suffit à faire le juge.D’un point de vue strictement juridique, on estime aujourd’hui que c’est le respect du processus de désignation, prévu par les textes constitutionnels, conventionnels ou les usages, qui garantit au juge sa place de tiers impartial et lui confère sa véritable légitimité originelle. Le juge doit être institué –nommé ou élu- par une autorité légitime. Or le procédé de désignation adopté ici interroge. Car si dans son discours d’ouverture Corinne Lepage renouvelle sa confiance dans un « tribunal indépendant et impartial », on ne saurait oublier qu’il émane d’un comité de militants engagés, tous « opposants aux activités de Monsanto ». Ces éminents spécialistes ont été choisis pour leur expérience et leur réputation, mais c’est par conviction qu’ils ont accepté de participer à ce procès fictif. Ne peut-on craindre dès lors que ces « juges » soient tentés de confondre, en l’espèce, engagement citoyen et exercice professionnel ? La composition de ce Tribunal ne résulte pas de l’application de règles préétablies conçues comme des garanties d’indépendance et d’impartialité, qui sont aujourd’hui les principaux indicateurs d’une bonne justice mais il est composé ad hoc, en fonctions des investigations à conduire et des résultats attendus. Toutefois, qualifier de vrais, les juges ainsi désignés, suggère aussi que la société civile n’est pas moins garante de la démocratie qu’une autorité instituée. Bien au contraire, elle entend afficher sa capacité à composer, quand cela s’avère nécessaire, un tribunal présentant les mêmes garanties d’indépendance et d’impartialité. Elle peut, autant que l’Etat, instituer le juge comme tiers non partisan, qui soit en mesure, comme juge, de « mettre à distance la violence du conflit ». Elle rappelle ainsi qu’au cours de l’histoire et selon les cultures, la figure du juge est variable.Tandis que dans le film Bamako, l’expertise des professionnels de la justice, juges et avocats, visait à dynamiser l’improvisation comme procédé de création artistique, dans le procès Monsanto, la même exigence repose sur un souci de réalisme et vise au renforcement de la légitimité d’une instance qui, en l’état du droit, en est dépourvue. Se fondant sur la capacité de l’expert à produire un savoir objectif, le comité affirme que le vrai juge est celui qui connaît le droit et qui est en capacité de le dire. Ainsi, la légitimité du tribunal s’enracinerait non pas dans la dimension purement institutionnelle de la fonction du juge, mais dans son aptitude à exercer un pouvoir de juridiction.Le droit Le glissement s’opère aussi concernant le champ du droit. Le ressort essentiel de ce procès, son ancrage dans la réalité, consiste dans l’application rigoureuse du « droit réel », du « vrai droit international », qui s’entend non seulement des règles du droit international mais aussi des « mêmes méthodes que les cours existantes ». Fondée sur ce « vrai droit », l’entreprise serait donc légitime.Ce n’est pas tant sur le corpus de règles que porte l’équivoque. Le Tribunal Monsanto entend fonder sa délibération sur les textes existants du droit international relatifs au droit à l’alimentation, au droit à un meilleur état de santé, au droit à la liberté d’expression, notamment celle de la recherche scientifique, le droit à un environnement sain[6] consacrés comme droits fondamentaux. Ces droits sont inscrits dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que dans les principes directeurs des Nations-Unis relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme approuvés dans une résolution de juin 2011 par le Conseil des droits de l’homme. La réalité des principes, au sens de leur consécration dans de nombreux textes juridiques de portée nationale ou internationale, n’est donc pas en cause. Mais le droit ne s’entend pas seulement de l’énoncé de principes.En se donnant pour mission de « vérifier si les activités de Monsanto sont en conformité avec les règles de droit telles qu’elles existent dans les instruments juridiques, essentiellement onusien », les juges se placent en marge du droit international tel qu’il s’applique aujourd’hui. Sans remettre aucunement en cause la pertinence de la démarche qui est, intellectuellement et idéologiquement, satisfaisante et peut conduire à des résultats éloquents, force est de constater qu’elle est précisément dépourvue de réalisme. En effet, ces principes déclarés de portée universelle ne s’appliquent pas en l’espèce, puisque aujourd’hui leur violation par une entreprise multinationale ne peut donner lieu qu’à une action civile, et suppose pour être portée sur la scène internationale, l’épuisement des voies de recours en interne. La Cour européenne des droits de l’homme qui siège à Strasbourg, peut en effet être saisie par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui s’estime victime d’une violation de ses droits fondamentaux. Mais elle oppose des citoyens à leurs Etats, quand les décisions des juridictions nationales semblent aller à l’encontre des droits fondamentaux. L’arsenal juridique existant ne permet pas par ailleurs de saisir une juridiction pénale internationale pour une autre cause que le crime de guerre, le crime contre l’humanité, le génocide ou le crime d’agression. Aucune juridiction internationale existante n’est donc en mesure aujourd’hui de recevoir et d’instruire les plaintes portées par la société civile directement contre l’entreprise Monsanto. Le Tribunal Monsanto entend appliquer des principes existants, bien « réels » à un cas qui ne relève pas encore du champ de compétence des juridictions internationales. Dès lors il y a quelque contradiction à qualifier de réel, un droit qui ne peut pas, en l’espèce, être mis en œuvre et que le Tribunal se propose précisément de réformer. Ce sont d’ailleurs ces lacunes de l’arsenal onusien, et les inégalités qui en résultent, que la société civile vise à dénoncer, voire à combler momentanément, par l’organisation d’une instance parallèle. L’argument qui consiste à enraciner la démarche dans la réalité est ici, on le voit déplacé, puisqu’il s’agit au contraire de la transformer, en soulevant de manière inédite la question de la responsabilité des entreprises.Enfin, les règles procédurales ne sont pas non plus rigoureusement respectées. Outre la confusion la plus complète qui plane sur le modèle dont le Tribunal Monsanto s’inspire, Cour pénale internationale ou Cour internationale de Justice, les principes généraux du droit de la procédure auxquels ils se réfèrent ne semblent pas scrupuleusement appliqués. Avoir pris la peine de « convoquer », par « acte extra-judiciaire », l’entreprise Monsanto devant ce tribunal fictif sans disposer de la force de coercition l’obligeant à comparaître, et déclarer que « la multinationale sera invitée à faire valoir ses arguments », qu’elle aura « en tant que défendeur … l’opportunité de répondre .. de mettre en doute la qualification juridique de ses comportements ainsi que de contester les demandes des victimes alléguées » ne suffit pas à assurer le caractère impérativement contradictoire du procès. D’une part parce que Monsanto a refusé de participer à ce qu’il qualifie de « farce » dans une lettre ouverte publiée deux jours avant le tenue du procès fictif ; d’autre part parce que le procès se fait à charge, le comité n’ayant pas, contrairement à ce qu’avait fait A. Sissako, requis des avocats professionnels assurant la défense de la firme internationale, pas plus que ne sont invités à s’exprimer aux audiences des témoins favorables aux activités de Monsanto. On soulignera ici comment la fiction cinématographique trouve sa force réaliste en s’émancipant des contraintes de la réalité tandis qu’à l’inverse, le Tribunal Monsanto, ne parvient pas à relever le défi du réalisme qu’il s’impose. Victime du carcan qu’il s’est lui même fixé, il prête alors aisément le flan aux critiques. Sans débat contradictoire, le procès perd une part de son intérêt et surtout de sa pertinence. Le juge en effet est tenu dans le cadre d’un procès, d’examiner la pluralité des points de vue « afin d’apercevoir un sens qui échappe au point de vue partiel et partial des acteurs ».Les témoins Le Tribunal entend au cours de ces deux jours d’audience, 24 personnes venues « des cinq continents », qualifiées par la présidente elle-même de « témoins ». Elle distingue parmi eux, ceux qu’elles appelle les « témoins-experts de vie » qui sont venus rendre compte de leur expérience et surtout de leurs souffrances et les experts scientifiques et juridiques qui partagent leur savoir. Ces témoins ont été retenus par le comité d’organisation à l’issue d’une consultation citoyenne apparemment largement ouverte. Ce procédé laisse entendre que la partie demanderesse est la société civile représentée par le comité d’organisation et qu’elle produit « ses » témoins. Toutefois, en faisant état des 20 « plaignants » représentés par « un avocat expérimenté dans ce type d’affaire », le site du Tribunal Monsanto semble opérer une confusion entre les témoins et les victimes. Ce détail procédural serait-il mineur ? Il ne semble en rien entacher le procès. Car la parole des témoins-victimes, qui n’ont rien de fictif, puisqu’ils présentent de « vrais cas », constitue « le cœur essentiel du travail » et fait la force du Tribunal. Le procès Monsanto trouverait alors en partie sa légitimité comme dispositif permettant de libérer une parole arbitrairement contenue et longtemps étouffée. Le jugement devenant accessoire. Sur ce point, le Tribunal Monsanto rejoint très exactement le projet d’Abderrahmane Sissako.L’ensemble de ces témoignages a pour objet de rassembler les preuves des préjudices subis, d’établir un lien de causalité avec les activités de la firme Monsanto afin d’éclairer le Tribunal sur leur impact. Outre des pratiques monopolistiques dans les pays en voie de développement qui menacent les équilibres économiques, des fermiers, des agriculteurs venus du monde entier dénoncent la toxicité des produits commercialisés par cette entreprise, ayant pu constater, suite à leur utilisation, la modification des sols et des écosystèmes. Des victimes, qui ne peuvent plus passer pour des cas isolés, tant leurs symptômes sont similaires et leurs cas localisés, souffrent de maladies graves. Des experts, des militants associatifs rendent compte des résultats de multiples études scientifiques établissant un lien de causalité entre l’utilisation de certains produits commercialisés par Monsanto et ces troubles pathologiques ou environnementaux. C’est à partir de ces témoignages que les juges délibéreront avant de se prononcer.La « sentence »La finalité elle-même de ce vrai-faux procès est ambiguë. En effet, la fonction de ce Tribunal « n’est pas de condamner au civil ou au pénal », mais les juges, nous dit-on, sont invités à « dire le droit », de manière à ce que la société civile dispose à l’issue du procès « d’une décision de magistrats ». Mais moins qu’une décision, terme qui implicitement renvoie à la décision de justice, le Tribunal rendra un « advisort opinion », c’est à dire un avis consultatif  qui « suivant les procédures de la Cour internationale de justice » comportera des constatations et des recommandations. C’est cette fois l’organe judiciaire des Nations Unies qui sert de modèle – assez peu pertinent en l’espèce, quand on connaît le champ d’action de celui-ci- au Tribunal Monsanto. On ne saurait toutefois confondre une procédure consultative et une procédure judiciaire, même si parfois un même organe est investi de cette double compétence. Dans le cadre d’un procès, le pouvoir de juridiction -étymologiquement juris dictio du juge consiste certes à « dire le droit » mais dans l’intention de trancher un litige, de rendre la justice. Dire le droit dans un jugement, c’est proposer une solution juste fondée sur le droit mais aussi faire en sorte que le droit s’applique. En cela un avis ne saurait être tenu pour un jugement. Sans jugement, le procès se réduit à une expertise, fondée sur l’audition de témoins et d’experts et l’examen des règles de droit. L’avis rendu dans ces conditions peut n’être pas dépourvu d’autorité car la consultation a son importance dans un processus démocratique. Le comité espère d’ailleurs qu’il constitue un levier pour faire progresser le droit international des droits de l’homme grâce aux recommandations formulées auprès de la Cour pénale internationale et qu’il offre par ricochet, en droit interne, « des outils juridiques qui vont permettre à des avocats, à des juges d’intervenir », les victimes pouvant alors s’appuyer sur une décision « autorisée ». Car l’un des objectifs concrets de ce procès est que les victimes, fortes de cet avis autant que des rencontres qu’il aura permis, sortent de leur isolement et initient « dans leurs pays respectifs les actions nécessaires en se fondant sur les mêmes bases juridiques ». Mais cette absence de jugement nous invite à nous interroger sur la véritable nature de ce Tribunal.La nature du TribunalQuoi qu’en disent et pensent les organisateurs, qu’est-ce qu’un tribunal qui ne rend pas de jugement ? Le jugement ne constitue t-il pas la mission d’un tribunal, l’issue attendue du procès ; l’absence de jugement n’interdit-elle pas de fait l’emploi du terme ? C’est précisément ce qui motive la position de la firme Monsanto ne reconnaissant pas dans cette « farce » l’existence d’un véritable tribunal. Les membres du comité d’organisation ont alors ressenti le besoin de se justifier, alléguant que ce terme générique supportait plusieurs définitions, sans prendre toutefois le soin de citer les fondements théoriques de cette allégation. Il est vrai que la question est difficile, car si la doctrine a beaucoup glosé sur la légitimité des juges, fort peu de travaux permettent de dégager une définition du Tribunal. Jouant de cette confusion, le Tribunal Monsanto propose sa propre définition, fluctuante elle-aussi nous allons le montrer, les orateurs se rattachant à des critères divers et parfois contradictoires.Composé de « vrais juges » invités à dire le « vrai droit », ce tribunal n’en est pas moins pour Corinne Lepage une « tribunal virtuel » ; tandis que les mêmes indices permettent à Marie-Monique Robin de conclure à l’existence d’un « vrai tribunal ». Par souci de cohérence, F. Tulkens qui préside cette instance qui ne condamne ni ne juge, rattache sans hésitation cette initiative aux tribunaux d’opinion. Sans doute tranche t-elle ici une question discutée. Car le consensus ne semble pas parfaitement établi. Arnaud Apoteker en effet, membre du comité d’organisation ne l’entend pas ainsi. Il affirme tout au contraire que le comité n’a pas souhaité « réduire » l’expérience à « un tribunal d’opinion », donnant toutefois d’un tel tribunal une définition toute personnelle et des plus confuses : « Nous avons voulu que notre tribunal soit présidé par de vrais juges afin de fonder ses délibérations en droit et non sur une opinion, aussi légitime et généreuse soit elle. » C’est confondre le fondement de la décision -le droit- et sa nature -une opinion- et mêler dans un ensemble qui ne laisse pas d’interroger et qui semble bien rendre compte de toute l’ambiguïté de ce geste civique, légitimité et générosité !La comparaison avec un tribunal d’opinion est pourtant habile. Elle permet de s’inscrire dans le prolongement du Tribunal Russell[7], premier du genre, et de résoudre par ricochet, à la manière de Jean-Paul Sartre qui l’avait adroitement examiné dans son discours inaugural, la question de la légitimité du Tribunal Monsanto. A savoir celle d’une instance qui n’entend pas se substituer à des institutions existantes, mais combler un vide juridictionnel, répondre à un besoin, en faisant appel pour l’occasion, face à l’inertie institutionnelle à une source de pouvoir tout aussi légitime, le peuple. « Véritable magistrature populaire », le tribunal Russell fondait de surcroît sa légitimité – d’où sa dénomination de tribunal d’opinion- sur son impuissance juridictionnelle, valorisant la dimension exclusivement pédagogique de son initiative, se félicitant de n’avoir ni à condamner ni à acquitter, mais à informer « les masses » des agissements de l’Etat américain au Vietnam, par le relais d’une forte médiatisation. La même idée anime Françoise Tulkens. Refusant de s’en tenir au symbolique, la présidente cherche une voie médiane entre un simple jugement moral et une condamnation judiciaire, qui en l’espèce ne peut exister. Rappelant fermement qu’un « tribunal ne fait pas de morale », elle affirme présider un « tribunal pédagogique ». L’opposition des formules est ici éclairante. Implicitement, la présidente du Tribunal Monsanto laisse entendre que, contrairement à la morale, la pédagogie entre dans le champ de la mission d’un tribunal ; mission qui en l’espèce consiste « à faire comprendre au public les impacts des activités de Monsanto ». La référence au Tribunal Russell est ici évidente.Il apparaît ainsi que le Tribunal Monsanto s’entend d’une réunion dans un lieu privé, d’experts désignés par un groupe de militants chargés d’examiner, à partir de témoignages, la conformité des activités d’une entreprise aux principes du droit international afin de produire un avis éclairé, destiné à faire connaître au public autant qu’aux responsables politiques la nature et l’impact de ces activités agro-industrielles. Bien loin de la définition classique d’une juridiction, est-il pour autant illégitime ? Car dès qu’ils s’émancipent de toute contrainte institutionnelle, les membres du comité d’organisation retrouvent leur liberté de parole et surtout leur force créatrice. Leur détermination apparaît plus clairement quand ils évoquent un « tribunal citoyen consultatif », « un tribunal citoyen informel », « une mobilisation internationale de la société civile pour juger » afin de suppléer à l’inertie des juridictions officielles. Car sans doute ce Tribunal, si peu conforme, trouve t-il sa légitimité dans le fait que c’est la société civile qui le met en place » autant que dans la gravité d’un crime qu’il importe de dénoncer à défaut de pouvoir le juger3. Le crime Moins qu’aboutir à un jugement, le Tribunal Monsanto vise à « ouvrir une brèche dans le mur de l’impunité », celle des entreprises transnationales et de leur dirigeants. En l’état du droit international, les activités de la firme Monsanto, dont le tribunal démontre les impacts nuisibles sur l’environnement et sur la santé des personnes, relèvent essentiellement des juridictions civiles et nationales. Les juges internationaux des droits de l’homme ont commencé, dans certaines régions à examiner, au titre de leurs compétences, les violations du droit de l’environnement. Les difficultés de la mise en œuvre de telles procédures, ainsi que la disparité des droits nationaux rend les poursuites rares et incertaines. Les cas restent isolés. La firme peut donc impunément continuer ses activités sans risque d’être inquiétée au titre des préjudices qu’elles génèrent. En instituant un tribunal international virtuel pour juger Monsanto non seulement pour « violation des droits humains » mais encore pour « crime contre l’humanité » et « crime de guerre », le comité organisateur espère « faire progresser le droit international en proposant de nouvelles idées comme par exemple, la responsabilités des entreprises en matière de droits de l’homme ». Derrière Monsanto, c’est l’ensemble du système agro-industriel qui est visé et par ce procès la société civile cherche l’exemplarité.Considérant en effet que c’est l’humanité tout entière qui est mise en péril dès lors que des entreprises commercialisent de façon massive –aidées en cela par de puissants lobbyistes- des produits toxiques provoquant de graves malformations in-utero ou des maladies lourdement handicapantes dans les populations qui les utilisent où vivent à proximité des lieux de stockage ou d’épandage, considérant de surcroît les conséquences de ces activités sur les écosystèmes, à savoir : menace pour la biodiversité par la disparition d’espèces, appauvrissement des sols, production de gaz à effet de serre, le Tribunal Monsanto entend démontrer que les produits et les activités de la firme qu’il accuse tuent aujourd’hui massivement des individus, des animaux et des plantes et étend à plus long terme, ce crime aux générations à venir, par la destruction de leur environnement futur. C’est pourquoi il réclame que les violations des droits fondamentaux portant atteinte à la santé des personnes et à l’environnement qui jusqu’à présent ne relèvent pas d’une juridiction pénale, soient considérées comme des crimes et figurent à ce titre dans les incriminations de la cour pénale internationale, au titre de crime contre l’humanité. On sait que le droit pénal est d’interprétation stricte et que les textes actuels fondant la compétence de la CPI ne permettent pas cette extension. Toutefois, dans une société mondialisée qui a pris conscience de l’interdépendance des phénomènes environnementaux, il devient urgent de se doter d’instruments juridiques globaux. L’idée de la responsabilité pénale des acteurs non étatiques, particulièrement des entreprises qui ruinent « les conditions d’habitabilité de la Terre », s’impose.Est ce une simple coïncidence ? La cour pénale internationale, quelques jours à peine avant la tenue de ce Tribunal civique, inscrit les crimes contre l’environnement dans son champ d’action[8]. Bien qu’encore timide, le lien est officiellement fait pour la première fois entre crime contre l’humanité et crime contre l’environnement. Désormais, les dirigeants ou employés d’entreprise ainsi que les membres de conseils d’administration peuvent être poursuivis pour les actes qu’ils ont commis contre l’environnement, même s’ils n’en sont que complices. Encore que ces poursuites ne pourront avoir lieu qu’à la demande des Etats et à la condition que ces crimes soient reconnus par les législations nationales.Loin de s’en tenir aux crimes reconnus par le droit pénal international dont il s’agirait seulement d’étendre le domaine d’application, le tribunal Monsanto entend aussi faire la promotion auprès de l’opinion publique et des instances internationales d’un nouveau concept, « l’écocide » qui qualifierait les crimes contre l’écosystème. Les paroles des témoins et des experts en donnant chair à cette notion, essentiellement doctrinale à ce jour et encore confidentielle, doivent permettre de faire la démonstration pratique de sa pertinence.Le concept d’écocide n’est pas inventé par le Tribunal Monsanto mais celui-ci offre une tribune à ses défenseurs. Nombre de juristes, universitaires et chercheurs, participent donc à ses travaux afin de vulgariser cette notion. L’écocide est en soi une véritable contribution à la réforme du droit pénal international, et donne un bel exemple de la collaboration entre la société civile et une doctrine innovante dans le processus de création du droit. Dès lors deux voies d’action sont possibles. La première, déjà ambitieuse, consiste à s’intégrer dans le cadre institutionnel existant et réformer le Statut de Rome « afin d’y inclure le crime d’écocide et de permettre la poursuite des personnes physiques et morales soupçonnées d’avoir commis ce crime ». On pourrait ainsi « demander au juge de se prononcer sur la nécessité de reconnaître un 5e crime contre la paix et la sécurité humaine ». Une telle réforme suppose de donner de l’écocide « une définition juridique précise ». C’est là l’un des défis de ce Tribunal. L’autre option, qui serait plus efficace compte tenu de la gravité et de la multiplicité des atteintes constatées, mais aussi moins réaliste, consiste à promouvoir la création d’un nouveau tribunal international, spécifiquement dédié aux questions environnementales. Voir l’avènement d’un vrai « tribunal pénal de l’environnement et de la santé », c’est là l’utopie du Tribunal Monsanto[9], qui compte sur l’agentivité de la fiction[10].Pour citer ce billet : Nathalie Goedert, Le Tribunal Monsanto : un remake de « Bamako » ?, Billet mis en ligne le 5 avril 2017 sur imaj–Carnets de recherches en Analyse Juridique de l’IMage, hébergé sur hypotheses.org.[1] http://fr.monsantotribunal.orgConférence de presse du 3 décembre 2015.[2] Marie-Monique Robin dans ses conclusions, évoque les victimes qui sont venues témoigner : « Moi, je les connaissais par ailleurs parce que je les avais filmées dans leur pays d’origine ».[3] Il s’agit de Marcos Orellana et de Chancia Plaine. F. Tulkens précise au moment de les remercier : « Des greffiers comme à la cour européenne des droits de l’homme, de grand professionnels qui aident à la rédaction des avis et des arrêts ».[4] William Bourdon, qui par ailleurs jouait l’avocat de la société civile dans Bamako et plaide cette fois devant le Tribunal Monsanto n’hésite pas pour l’occasion à revêtir sa robe d’avocat.[5] A titre de comparaison, on rappellera les propos du juge dans Bamako : « on n’applaudit pas s’il vous plaît ».[6] Déclaration de Stockholm sur l’environnement humain, 1972 ; charte africaine de l’environnement de l’homme et des peuples, 1981.[7] Le tribunal Russell est créé en 1966 à l’initiative de Lord Bertrand Russell afin d’examiner, en l’absence d’instances internationales, si les E. U. ne se sont pas rendus coupables de crimes de guerre au Vietnam.[8] On doit cette innovation à l’initiative de la procureure Fatou Bensouda. Document de politique générale publié le 15 septembre 2016.[9] Une idée déjà défendue par la doctrine. Voir Mireille Delmas-Marty , op. cit., p. 42 : « L’idéal serait de créer un Tribunal International de l’environnement, compétent à la fois pour les Etats et pour les entreprises ».[10] Au sens que lui donne Philippe Descola, La fabrique des images. Visions du monde et formes de la représentation, Paris, Somogy et Musée du quai Branly, 2010. Le séminaire Justice, Images, Languages et Cultures (JILC) et l Institut des Hautes Études sur la Justice (IHEJ ) ;Attendu que :Sylvia Preuss-Laussinotte, avocate au Barreau de Paris, Olive Martin, artiste plasticienne et Patrick Bernier, artiste plasticien, ont été pris en flagrant délit de dégradation d un bâtiment historique, alors qu ils attaquaient le mur nord de l enceinte de la Saline Royale d Arc-et-Senans, ensemble architectural reconnu Patrimoine mondial de l humanité par l Unesco en 1982, et propriété du Département du Doubs ; Montés sur des échelles de bois, munis de marteaux et burins, ils avaient descellé le faitage en lauzes et les premières pierres du mur nord quand les services de police, intervenant rapidement, alertés grâce à la surveillance des réseaux sociaux sur lesquels avaient été postés des invitations à participer à une action artistique, les ont appréhendés à 17h36 ; Ils n ont opposé aucune résistance à leur arrestation. Ils contestent l accusation de dégradation et déclarent : « en déposant ce mur, nous voulons réaliser un monument en mémoire aux familles tzi­ganes internées dans ces lieux entre septembre 1941 et août 43. Nous souhaitons mettre le site en confor­mité avec le droit à la sûreté, mais aussi avec les idées révisées de son architecte Claude Nicolas Ledoux et avec sa destination actuelle de Cité des utopies». ; Ils étaient tous les trois vêtus de tee-shirts à l effigie de la Saline Royale d Arc-et-Senans ;Étaient présents également plusieurs « spectateurs » ou « complices », presque tous membres ou sympathisants du groupe dit du JILC (Justice, Images, Langages et Cultures), qui avaient été prévenus de l action, sans forcément en connaitre tous les détails. Parmi eux Joël Hubrecht, chercheur en droit, placé sous le statut de témoin assisté ;Requièrent qu il vous plaise informer l affaire :le vendredi 3 mars, à 18h précisesdans l amphithéâtre de l Institut Pratique du Journalisme (IPJ),24 rue St Georges75009 Les entrées en matière, dès lors qu’on va parler de cinéma dans un contexte qui n’est pas spécialement cinématographique, sont toujours compliquées ou rébarbatives. Nous n’avons pas de culture théorique enracinée dans des siècles de réflexion. Cela ouvre une grande liberté qu’il faut investir et que je vais utiliser pour asséner mes points de départ, que j’ai pour partie déjà évoqués ailleurs. D’un point de vue philosophique, les films assument une fonction réflexive et discursive fort intéressante, parce qu’elle est à la lisière de l’abstrait et du concret, parce qu’elle part du singulier pour éventuellement entraîner une portée universelle. Quant aux films proprement dits, par rapport aux autres arts et notamment  à la littérature,  ils sont spécifiquement  le support d’une possibilité logique  très  intéressante : ils peuvent  à la fois soutenir  une proposition  et son contraire  dans  la même image, le même plan, la même séquence, ou la même durée ; ils peuvent soutenir un énoncé contradictoire, ils ne sont pas soumis au principe de non-contradiction  (voire au principe d’identité). C’est ce point-là  qui m’intéresse  et qui fait que je parle de « filmosophie » : non pas  une pensée intellectuelle qui serait élaborée par le moyen des images animées (les réalisateurs  insistent le plus souvent  sur leur capacité technicienne),  mais une pensée qui est délivrée  par le  film lui-même, à l’intelligibilité non médiatisée, qui enrichit la philosophie. Je ne sais pas s’il y a un  rapport privilégié entre philosophie et cinéma — certains philosophes essaient de prouver cette  assertion — mais je pense qu’il y a une complémentarité  d’essence suscitée par l’opposition entre le  concept abstrait et la narration imagée. Embrasser en même temps philosophie et cinéma, c’est prendre à bras le corps le problème  ancien de la philosophie concernant  la séduction  des images,  les faux-semblants  des apparences,    et   faire   fonds   sur   l’incommensurabilité    première    entre la   sécheresse d’une démonstration discursive et  la  beauté  des  histoires  imagées-animées. C’est faire confiance à la dialectique des contraires. Continuer la lecture de Justice archaïque ou justice tragique? La nature et la loi comme problème du western. Le 7 avril 2016, dans l’amphithéâtre de la faculté de droit de Limoges, et devant un public constitué principalement d’étudiants, Fabrice Defferrard et Barbara Villez ont répondu par l affirmative à la question suivante : peut-on faire du droit en regardant la télé ?Fabrice Defferrard est juriste pénaliste à l’Université de Reims. Il est aussi directeur de la collection « Droit et cinéma » aux éditions Mare et Martin qui développent par ailleurs les collections « Droit et littérature » et « Droit et sciences cognitives ». Il vient de publier, en 2015, un ouvrage très remarqué : Le droit selon star trek [1], pour lequel il a reçu le prix Olivier Debouzy qui vient chaque année récompenser une production juridique « décalée, originale ou subversive ».Barbara Villez est professeure à la faculté de Lettres de l’Université Paris 8 où elle enseigne le droit et l’étude des médias. Elle dirige le JILC, groupe de recherche « Justices, images, langues, cultures ». Ses recherches portent plus spécifiquement sur la représentation de la justice par l’image et l’utilisation de la télévision comme outil de formation. Elle est l’auteure d’un ouvrage pionnier en la matière : Séries Télé : visions de la justice, paru aux PUF en 2005, un ouvrage qui s’intéresse aux représentations du système juridique à la télévision américaine et à leur rôle dans le développement d’une culture juridique chez les téléspectateurs français. Continuer la lecture de Les univers juridiques de Star trek Le Bureau des dépositions Le Monde en parle... alors suivez le lien en cliquant sur l'image...Oeuvrer les limites du droit #2 / Bureau des dépositions / GRENOBLE 17-18-19 février 2020OEUVRER LES LIMITES DU DROIT #2BUREAU DES DEPOSITIONS // R22 tout-mondePlateau radio : 17 février 2020 14h _ Magasin des horizons, Sur réservation au 06 98 62 91 95Avec Julie Van Elslande, Julien Seroussi, des étudiant.e.s en Master 2 de la Faculté de droitGrenoble-Alpes, la radio R22 tout monde et le Bureau des dépositions : Mamy Kaba,Ousmane Kouyaté, Sarah Mekdjian, Mamadou Djoulde Balde, Aliou Diallo, Aguibou Diallo,Diakité Laye, Marie Moreau, Ben Bangoura, Pathé Diallo, Saâ Raphaël Moudekeno.18 février 2020 10h-18h _ Université Grenoble Alpes, entrée libre. Maison de la création10-13h_ Présentation par les étudiant.e.s du Master 2 « Histoire, théorie et pratique des droits del'Homme » et les co-autrices.auteurs du Bureau des dépositions, des recherches menées en matièrede contentieux en liberté de création artistique.14h30-17h30_ Présentation du projet coopératif CAVEAT par Julie Van Elslande et des différents types de contrats imaginés ou présentés lors de cet atelier.19 février 2020 19h __ Magasin des horizons, entrée librePlateau radio « Oeuvrer les limites du droit » / Bureau des dépositions et R22 tout monde_ Expositionet ré-agencement des éléments de recherches en cours avec les Etudiant.e.s en Master 2 « Histoirethéorie et pratique des droits de l'Homme », les co-autrices.auteurs du Bureau des dépositions etJulie Van Elslande.Archives des plateaux sur l'antenne r22 Tout-Monde :BUREAU DES DEPOSITIONS :https://r22.fr/antennes/tout-monde/les-plateaux-du-toutmonde/plateau-du-tout-monde-n2-oeuvrer-les-limites-du-droithttps://www.antiatlas.net/bureau-des-depositions-exercice-de-justice-speculative/Association Politiques d'hospitalité, Association ex.C.es,Avec le soutien du Magasin des horizons - Centre National d'Art Contemporain, de la Mairie de Grenoble, de Grenoble Alpes Métropole,du Département de l'Isère, de la DRAC Rhône-Alpes, de la Maison de la Création, de l'Université Grenoble Alpes et du Laboratoire PACTEJardin et cinéma Colloque "droit(s) et jardin, BNF, 15 novembre 2019..."Jardin, droit et cinéma : un jardin ghetto" par Nathalie Goedert, maître de conférences à l’université Paris-Sud/Paris-SaclayIn situ : Bien juger. Du symbole aux actes Les 22 et 23 novembre derniers le somptueux Hôtel de Lauzun de Paris ouvrait ses portes pour accueillir le colloque organisé par Valérie Hayaert, résidente 2016 / 2017 de l’Institut des Etudes Avancées (IEA) avec le soutien de l’Observatoire des Mutations Institutionnelles et juridiques (OMIJ, Université de Limoges) et de Droit et Changement Social (DCS, Université de Nantes)Après une visite du nouveau tribunal de Justice de Paris, dessiné par l’architecte Renzo Piano, deux jours de réflexions et de débats se sont tenus pour questionner ce que pourrait être la symbolique judiciaire à l’aube du XXIe siècle. In situ vous livre des extraits de ces débats, ponctués de performances artistiques, de dialogues et de grincements de plancher… Bien juger, du symbole aux actes.EntretiensFrançois Ost, Professeur à l’Université Saint-Louis, Bruxelles, membre de l’Académie royale de Belgique, dramaturge.Nathalie Goedert, Historienne du Droit, Université Paris Sud, OMIJ.Ninon Maillard, Historienne du Droit, Université de Nantes, DCS.Carolin Berhmann, Historienne d’art, directrice du projet d’iconologie des images juridiques à l’Institut Allemand d’Histoire de l’Art de Florence « The Nomos of Images ».Joël Hubrecht, Institut des hautes études sur la justice (Responsable du programme justice pénale internationale et justice transitionnelle).Julien Seroussi, Agrégé de sciences sociales et Docteur en sociologie.Franck Leibovici, Poète et artiste.A vos agendasVendredi 19 JANVIER 2018 - "Cherche dispositifs visuels pour éléments de preuve"-"quelle est la place des images dans le processus de délibération des juges de la CPI ? comment faire pour que ces images soient vues autrement ?"Franck Leibovici (artiste et poète) et Julien Seroussi (sociologue) auteurs de Bogoro (éditions Questions théoriques 2016)Horaires 14h00- 17h00Lieu : ENM – 3ter Quai aux Fleurs, 75004, salle 22 (deuxième étage)A VOS AGENDAS : les séminaires du JILC de l année 2017/2018Vendredi 29 SEPTEMBRE \"Justice et santé à l\'écran\" Jean-Baptiste Thierry (maître de conférences de droit privé à l\'Université de Lorraine).Horaires 14h- 17hLieu : ENM – 3ter Quai aux Fleurs, 75004, salle annoncée ultérieurmentOctobre - néantVendredi 10 NOVEMBRE – \" Le Cas Hamlet\" un documentaire présenté par son réalisateur David Daurier (dont les films ont été primés dans de nombreux festivals)Horaires 14h- 17hLieu : ENM – 3ter Quai aux Fleurs, 75004, salle annoncée ultérieurmentVendredi DECEMBRE - néantVendredi 19 JANVIER 2018 - \"Cherche dispositifs visuels pour éléments de preuve\"-Franck Liebovici (artiste) et Julien Seroussi (sociologue) auteurs de Bogoro (éditions Questions théoriques 2016)Horaires 14h00- 17h00Lieu : ENM – 3ter Quai aux Fleurs, 75004, salle annoncée ultérieurementLes artistes du juridique : le collectif ALT GÅR BRALA RÉPUBLIQUE NORVÉGIENNE, un projet du groupe de plasticiens ALT GÅR BRA (Norvège, 2018-2019)www.altgarbra.org (cliquez sur l\'image)La République Norvégienne est un projet inspiré par La République de Platon qui vise tout à la fois à encourager l’engagement citoyen dans le présent et à susciter des rêves d’avenir.Depuis son début en 2015, le travail du groupe Alt Går Bra (AGB) est dédié à la recherche des interactions entre l’art et la politique. Plus concrètement, ce collectif d’artistes cherche la manière dont l’art peut contribuer à la politique.C’est essentiellement au Bergen Kunsthall (Norvège) que le groupe avec ses invités (Chantal Mouffe, Thomas Hirschhorn, Jacques Rancière, Chto Delat, Alain Badiou...) élabore son cadre théorique à partir d’une série d’événements discursifs.Après l’investiture de Donald Trump comme président des USA, le philosophe Alain Badiou a analysé l\'état actuel de la scène politique internationale, telle une « fatale dialectique ». Elle se caractérise notamment par un manque, plus particulièrement par le manque d’une Idée, d’un nouveau concept d’organisation de la vie politique. Alain Badiou estime nécessaire d’inventer \"un type de médiation entre le sujet individuel et la tâche collective historique et politique\", de retrouver \"la possibilité d’action à travers des subjectivités différentes.” Dans ses thèses sur l’art contemporain, il déclare que l’art devrait produire de nouveaux contenus, une nouvelle lumière, une nouvelle vision du monde.La République Norvégienne entend contribuer à ce mouvement de pensée, s’inscrire dans cette perspective, non seulement par l’esquisse d’un idéal, mais en donnant, par la médiation artistique, une forme concrète à une nouvelle vision du mondeTout comme La République de Platon, la République Norvégienne joue entre le réel et l’imaginaire, la praxis et l’utopie, s’interrogeant sur la pertinence d’une oppositions de ces deux termes. La réalité n’est-elle pas une des formes que nous donnons à nos rêves ? Comme le défend Werner Herzog dans son film \"Le Pays où rêvent les fourmis vertes\" dans lequel les natifs australiens doivent rêver leurs enfants avant de leur donner vie.La République Norvégienne s’articule en trois moments : un sondage, des assemblées, une publication.1) Sondage : en collaboration avec l’institut de sondage Medborgerpanelet (www.uib.no/medborger), AGB envisage de recueillir des idées et des opinions sur des questions politiques et sociales devant être ensuite discutées au sein des assemblées.2) Assemblées : des sessions seront tenues dans cinq villes Norvégiennes. A l’instar des assemblées de la démocratie athénienne, ces assemblées siègeront dans l’espace public, avec le concours des municipalités chargées de promouvoir l’événement auprès des populations.3) Publication : Le contenu des débats menés donnera naissance à La République Norvégienne. A la différence de Platon qui les avait bannis de sa République, AGB et les représentants des assemblées rédigeront ce texte en collaboration avec des poètes.Nathalie Goedert est l invitée de La Justice à l oeilA écouter sur Amicus Radio, une analyse juridique du film Bamako d\'Abderrahmane SissakoCliquez sur l\'image pour nous écouter.PARUTION : Le droit en représentation(s)Le juriste est familier du droit mis en mots.Cette littérature prend différentes formes,les plus fréquentes étant la loi, le jugement,l’acte notarié ou administratif, voire l’adage.L’énoncé du droit ne peut cependant secirconscrire à sa lettre. Il se traduit aussi et peut-êtremême avant tout par des représentationsà savoir : des images, des mises en scènes, desrécits littéraires ou filmiques, des formes, desgestes, des supports ou des signes. Historiensdu droit, historiens de l’art, philosophes serencontrent pour étudier ces différentesfigures du droit depuis l’antiquité jusqu’à ladématérialisation du monde numérique. Leurregard embrasse les représentations classiques(peinture sculpture, livre) ou plus originalesvoire inédites (cinéma, site internet, objetartisanal, transparence architecturale). Loin depouvoir se réduire à une simple illustration dela règle, l’esthétique du droit porte un langageautonome performatif, qui peut être, selonles cas, discours ou action. Pourtant ce droit,visuel et visible, passe le plus souvent inaperçu.Renouer avec les représentations du droit, c’estéclairer les rapports entre le droit et ses formes,c’est faire du droit autrement.La justice à l oeil : Barbara Villez invite Ninon MaillardAu programme ce mois-ci sur Amicus Radio, une analyse du film d\'Alpert Dupontel \"9 mois ferme\"... Cliquez sur l\'image pour nous écouter...A VOS AGENDAS AFFAIRE « DROIT CONTRE LE MUR »Le séminaire Justice, Images, Languages et Cultures (JILC) et l\'Institut des Hautes Études sur la Justice (IHEJ ) ;Attendu que :Sylvia Preuss-Laussinotte, avocate au Barreau de Paris, Olive Martin, artiste plasticienne et Patrick Bernier, artiste plasticien, ont été pris en flagrant délit de dégradation d\'un bâtiment historique, alors qu\'ils attaquaient le mur nord de l\'enceinte de la Saline Royale d\'Arc-et-Senans, ensemble architectural reconnu Patrimoine mondial de l\'humanité par l\'Unesco en 1982, et propriété du Département du Doubs ;Montés sur des échelles de bois, munis de marteaux et burins, ils avaient descellé le faitage en lauzes et les premières pierres du mur nord quand les services de police, intervenant rapidement, alertés grâce à la surveillance des réseaux sociaux sur lesquels avaient été postés des invitations à participer à une action artistique, les ont appréhendés à 17h36 ;Ils n\'ont opposé aucune résistance à leur arrestation. Ils contestent l\'accusation de dégradation et déclarent : « en déposant ce mur, nous voulons réaliser un monument en mémoire aux familles tzi¬ganes internées dans ces lieux entre septembre 1941 et août 43. Nous souhaitons mettre le site en confor¬mité avec le droit à la sûreté, mais aussi avec les idées révisées de son architecte Claude Nicolas Ledoux et avec sa destination actuelle de Cité des utopies». ;Ils étaient tous les trois vêtus de tee-shirts à l\'effigie de la Saline Royale d\'Arc-et-Senans ;Étaient présents également plusieurs \"spectateurs\" ou \"complices\", presque tous membres ou sympathisants du groupe dit du JILC (Justice, Images, Langages et Cultures), qui avaient été prévenus de l\'action, sans forcément en connaitre tous les détails. Parmi eux Joël Hubrecht, chercheur en droit, placé sous le statut de témoin assisté ;Requièrent qu\'il vous plaise informer l\'affaire :le vendredi 3 mars 2017, à 18h précisesdans l\'amphithéâtre de l\'Institut Pratique du Journalisme (IPJ), 24 rue St Georges, 75009.Les artistes du juridique : Patrick Bernier et Olive MartinPatrick Bernier et Olive Martin produisent des oeuvres ayant vocation à faire bouger les lignes et notamment celles du droit. Ici, l\'installation est particulièrement ironique. Le droit s\'exprime ici sous la forme d\'un pictogramme évoquant une signalétique de sécurité et une réglementation soucieuse de la protection, de la sécurité, de la santé. Il s\'agit pourtant d\'un droit imaginaire car le mur de la Saline Royale d\'Arc-et-Senans qui est porteur de l\'installation a servi l\'application d\'une règlementation d\'enfermement visant les tziganes lors de la seconde guerre mondiale. Droit des étrangers, droit du patrimoine mais aussi histoire et mémoire sont encore au coeur du travail de PB et OM avec le projet \"droit contre le mur\" en partenariat avec les membres du séminaire de Barbara Villez. A suivre...Amour, droit et cinémaL\'association pour la promotion interuniversitaire des droits de l\'Homme organise, dans le cadre de la 10e édition du concours Habeas corpus, un colloque, le 14 avril 2016, à l\'Université Jean Moulin Lyon \", sur le thème : Amour et CEDH.Nathalie Goedert y prononcera une communication : \"Amour, droit et cinéma : regards croisés\".Rendez-vous à 9h, Amphithéâtre Doucet-Bon (18 rue Chevreul 69007 Lyon) Pour consulter le programme complet : http://www.apidh.eu/Site/Documents/programme_colloque_2016.pdfPeut-on faire du droit en regardant la télé?Pour le savoir, rendez-vous le 7 avril, à la faculté de droit et de sciences politiques de Limoges, à 14h, en amphi 400C.Notre actu : Les lois de la guerreLes actes du colloque \"Les lois de la guerre\" organisé en 2014 dans le cadre de notre dernier festival Cinédroit à la faculté de Sceaux sont publiés par l\'Institut Universitaire Varenne. L artiste du juridique : Jean-François DemeureL\'abri de la loi -- Œuvre de Jean-François Demeure à la BU de Limoges (photo de Stéphane Boiron).L\'artiste nous a précisé les circonstances de la genèse de l’œuvre : \"A l\'occasion du déménagement de l\'ancienne bibliothèque de la fac de droit vers les nouveaux locaux, il a été procédé à un désherbage et l\'on m\'a sollicité pour faire une proposition d\'utilisation des ouvrages (doublons) destinés au pilon. Après réflexion il m\'est apparu judicieux d\'inverser l\'idée négative de la loi comme entrave à la liberté en positivité, la loi comme abri protecteur. Abri ainsi conçu comme une petite \"fabrique\" dans le jardin des livres. Je pensais que l\'on pouvait venir s\'y asseoir sur la moquette mais il semble que les étudiants voient un petit temple ou une fontaine propitiatoire car ils viennent y jeter des piécettes à ma grande surprise mais il en va ainsi de la vie des œuvres publiques\"L artiste du juridique : Rossella BiscottiRossella Biscotti a créé la performance \"Il Processo\" en 2010 autour des procès politiques des années de plomb. Elle offre une représentation vivante, une reconstitution artistique d\'un procès historique. Histoire et mémoire, mise en scène judiciaire et mise en scène artistique...Elle était à Paris du 7 au 9 avril pour une conférence et un atelier dans le cadre du projet du JILC \"Performing the law\"Network of the German Civil CodeL\'image que nous avons choisie pour illustrer le colloque consacré aux représentations du droit rend compte du travail d\'Olivier Bieh-Zimmert, spécialiste en \"traitement visuel des données\". Sur le site qui met en ligne ces images, Olivier Bieh-Zimmert présente ainsi cette \"visualisation faite-main qui relie 2385 paragraphes du code civil allemand de 1896. Chaque paragraphe contient un nombre de références à d\'autres paragraphes. Chaque référence est représentée par un fil rouge\". Les secrets du droitStéphane Boiron, Nathalie Goedert et Ninon Maillard (dir.), Les secrets du droits. Secret, droit et cinéma, L\'harmattan, Presses Universitaires de Sceaux, 2014.Notre société du visible exige de tout voir et tout montrer, sans délai, au risque de confondre espaces privés et espaces publics. Parce qu\'on l\'accusait de dissimuler les abus, de servir l\'arbitraire, de diviser les hommes entre initiés et profanes, le secret a été condamné comme contraire au pacte démocratique. Pourtant, c\'est aussi au nom de la liberté que, face à une transparence érigée en dogme, certains osent faire l\'éloge du secret. C\'est pourquoi, il appartient au droit d\'orchestrer l\'équilibre et de distinguer le bon du mauvais secret. culture visuelleAffaiblir l’image du terrorismeCommenter les images, confirmer le terrorismePolice brutality MUST end today! Patrisse Cullors #BlackLivesMatterLe Monde rapproche Marcel Gauchet et Michèle Riot-SarceyL’Aura à l’ère des singularités numériquesNotre actu : « La famille au cinéma »Trois contributions dans La famille au cinéma. Regards juridiques et esthétiques, publié sous la direction de M. FLorès-Lonjou et E. Epinoux aux éditions Mare Martin :Nathalie Goedert, \"Nul n\'est bon citoyen s\'il n\'est bon fils, bon père, bon frère, bon époux\", autorité paternelle et puissance publique dans Cherchez Hortense de Pascal Bonitzer, p.115-138.Christophe Lamoureux et Nicolas Rafin, \"La séparation dans tous ses états? Le traitement cinématographique des ruptures d\'union par les films populaires français contemporains (1990/2012)\", p. 359-370.Ninon Maillard, \"Droit positif et rémanence de l\'ancien droit dans une chronique familiale au cinéma: les invités de mon père d\'Anne Le Ny (France, 2010), p. 451-474.A suivre... Performing the law Rechercher dans OpenEdition Search Vous allez tre redirig vers OpenEdition Search

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